Eric Shorjian
Quatre ans entre le développement et la conception. C'est le temps qu'il a fallu avant que le nouveau sèche-linge Green Generation Classe A de Whirlpool voit le jour aujourd'hui. Avec ce lancement, Whirlpool qui fêtera son centenaire en 2011 joue gros sur un marché important pour cette entreprise. Le groupe et la marque y sont leader. Ce marché connaît toujours une croissance en volume mais un peu moins en valeur. En France, à fin août 2010, les chiffres GfK indiquaient un marché du lavage en croissance volume de + 5% et un sèche-linge qui faisait encore mieux à + 10%. En valeur, par contre, les progressions étaient deux fois moindre. Résultat : une tension sur le prix moyen... Celui d'un sèche-linge est actuellement d'environ 300 €. 200 € pour un modèle ventilé et 450 € pour un modèle à condenseur.
Le segment des modèles à condenseurs (60% des volumes mais 75% de la valeur) est tiré vers le haut par les modèles avec pompe à chaleur lancés par les marques allemandes. Des appareils Classe A très performants mais aux prix élevés qui les destinent à la partie la plus exigeante et fortunée de la clientèle. Lancé à 750 € en décembre, le nouveau sèche-linge Green Generation va aller taquiner les autres appareils disponibles en Classe A qui sont actuellement à 900 € minimum. «En plus de consommer peu d'énergie, de ne contenir aucun gaz à effet de serre, d'être recyclable à 90%, ce nouveau sèche-linge est aussi le plus rapide du marché en permettant d'économiser jusqu'à 45 minutes par cycle », explique Guillaume André-Wallut, Chef de Produit Lavage et Sèchage au sein de Whirlpool France.
Comment garder une production en France face à la pression du marché ?
Mais au-delà des performances annoncées de ce nouveau produit « Green », ce lancement n'est pas tout à fait comme les autres. La nouveauté sort, en effet, d'une usine d'électroménager française. Une usine centenaire (voir encadré), dont les volumes et les effectifs ont reculé ces dernières années et dont la dernière plate-forme industrielle commençait à dater. Mais une usine qui n'a pas baissée les bras et qui a su se battre pour sa survie. Car si le groupe Whirlpool a décidé de maintenir et de développer sa production européenne de sèche-linge uniquement à Amiens, au coeur de son marché (France, Allemagne, Benelux et pays nordiques absorbent plus de 70% des volumes), c'est surtout parce que l'usine a su se réorganiser pour produire mieux et moins cher. Dés 2006, la question posée était : comment garder un site de production en France face à la pression du marché européen ? Coûts de production trop élevés, concurrence passant à l'Est, prix de vente en baisse, coût de matière première en hausse... Autant de raisons qui faisaient s'éroder les volumes et la compétitivité. Pour pérenniser son activité, l'usine d'Amiens a alors développé un projet de transformation industrielle baptisé Optima qui a su convaincre le groupe.
Batteries de solutions pour réduire les coûts
Car quand un grand groupe d'électroménager lance une toute nouvelle plate-forme de production, il peut la mettre partout... Les usines d'un même groupe peuvent se retrouver en compétition sur un même projet. Dans le cas qui nous intéresse, Whirlpool demandait aux usines une amélioration totale du prix de revient moyen de 18%. Le prix de revient du produit devait baisser de 15% pour être compétitif, la réduction devant être de 6 € par lave-linge. «Dés 2006, il y a eu un engagement fort des gens sur le terrain"explique Raphael Delrue, Directeur de l'usine d'Amiens (ci-contre), les partenaires sociaux et le Comité de Direction se mettaient d'accord sur les objectif. En avril 2008, c'était la validation par le management européen. Ensuite la mise en place s'est faite en deux étapes dont l'aboutissement est prévue en 2011.
Pour remporter cet « appel d'offre », l'usine d'Amiens a du trouver des solutions à tous les niveaux (voir encadré). La productivité a été améliorée en rationnalisant l'activité (Lean Manufacturing), les outils de qualité centrés sur la satisfaction du client... Mais surtout le volet social a su être géré intelligement par l'ensemble des parties. Sur un produit électroménager, la part de la main-d'oeuvre pèse entre 8% et 10% du coût total. L'effectif total a été réduit à 350 personnes. Les employés restants ont du ensuite consentir des sacrifices au niveau de leur temps de travail. Ils sont repassé à la semaine de travail de 35 heures contre 32 heures auparavant. Ils travaillent désormais 8h/jour, 205 jours/an. Les membres du comité de direction de l'usine d'Amiens ont également renoncé à 10 jours de RTT.
Une usine durable pour les années à venir ?
Ce projet a couté 20 millions d'euros d'investissements au total. « La majeure partie du budget, 15 millions d'euros a été absorbée par le développement de l'innovation produit », explique Jeanne Nicolaÿ Directrice des Marques & de l’Innovation de Whirlpool France. La restructuration de l'usine a coûté 5 millions d' euros dépensés en matériels (nouvelle ligne de montage coûte par exemple 600 000 euros) mais également en formation pour les salariés qui quittaient l'usine (300 000 euros). La transformation sera complète fin 2011, le site mettant également la priorité sur le développement durable. Et déjà, en amont, les équipes planchent sur des nouvelles productions pour les années à venir. « Un site industriel, c'est comme un être vivant, résume Raphael Delrue, il doit évoluer, continuer à marcher, à avancer, sinon il meurt !». Espérons que celui-là continuera à vivre longtemps...
Chiffres-clés de l'usine Whirlpool Amiens | |
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