Eric Shorjian
C’est par un interview, donné au journal « Lyon Décideurs » le 9 avril, que Michel Vieira a confirmé et commenté cette information. Il y explique qu’il s’agit d’un « acte de gestion et d’anticipation, avec l’objectif de pouvoir reprendre l’activité dès que possible sereinement et dans les meilleurs conditions ». Il souligne également avoir pris cette décision après avoir été prévenu par plusieurs clients professionnels que ceux-ci n’allaient pas pouvoir payer leur échéances. « Cette procédure me permet de garder le contrôle de l’entreprise, de ne pas licencier de collaborateurs et de ne « planter » personne grâce à un échelonnement des dettes », ajoute-t-il. Michel Vieira estime être victime d’une situation de concurrence déloyale de la part des grandes surfaces, ne pouvant même pas ouvrir ses magasins en drive. Selon lui, « à la reprise, l’activité sera en berne et nous nous préparons à une guerre des prix hallucinante qui aura un impact sur nos marges commerciales…
Vivian Corzani, Vice-Président de MDA Company
« Il faut que les indépendants de proximité puissent avoir les moyens de durer. Et pour cela, il faut aussi que les règles soient identiques pour tous »
Pourquoi avez-vous décidé avec Michel Vieira de demander un placement en procédure de sauvegarde ?
Parce que le placement en procédure de sauvegarde est une décision de gestion saine. Je rappelle que le principe de la procédure de sauvegarde n’a rien à voir avec un redressement judiciaire. Bien au contraire, il s’agit de protéger les entreprises qui pourraient être en difficultés en suspendant le paiement de dettes dès l'ouverture de la procédure et conserver sa trésorerie pour continuer son activité. Dans notre cas, cela permet au groupe de geler sa dette bancaire et de l’étaler dans le temps, sur une durée pouvant aller jusqu’à 10 ans.
Cette gestion du temps est-elle primordiale dans cette crise sans précédent ?
Tout à fait. Depuis un mois, l’activité est tombée à zéro. Nous sommes dans une situation totalement imprévisible et inconnue de tous. Nous ne savons pas quand et comment va reprendre notre activité. Et le problème aujourd’hui est de savoir comment nous devons piloter nos entreprises dans un brouillard absolu.
Comment peut-on « conduire » dans un brouillard absolu ? On s’arrête, on réfléchit et on agit. Souvent, certaines entreprises n’anticipent pas, se retrouvent sans trésorerie et vont au Tribunal de Commerce quand il est trop tard… Notre devoir de dirigeant est d’anticiper.
Pourquoi MDA Company n’utilise pas le dispositif de PGE (Prêt Garanti par l’Etat) ?
Ce prêt peut être très utile pour certaines entreprises, mais en ce qui nous concerne, l’idée n’est pas de créer une dette supplémentaire. Personne ne sait aujourd’hui comme bien de temps va durer la crise économique qui vient de commencer. Nous sommes tous aujourd’hui dans l’incapacité de faire des prévisions. Par contre, ce que nous voyons bien, c’est que cela risque d’être long, chaotique et qu’il va falloir tenir sur la durée. Nous devons donc gérer notre trésorerie pour l’activité à venir. Et cela dans le respect de nos fournisseurs.
Comment gérez-vous la situation au niveau de GPdis et de ses clients indépendants ?
Nos plates-formes sont actuellement fermées. Nous avons actuellement 60 millions d’euros de stock. Depuis deux ans, avec les équipes, nous avons réalisé un énorme travail d’optimisation qui prend aujourd’hui tout son sens. Une grosse partie de notre activité est couverte par les assurances crédit et Gpdis pourra relancer la machine dès que cela sera possible.
Mais ma plus grosse crainte concerne une partie de nos clients : comment va ressortir de cette épreuve une partie du commerce de proximité ? Notre groupe représente un millier d’emplois directs mais aussi des milliers d’emplois indirects. Il faut également, qu’eux aussi, puissent préserver leur trésorerie. J’ai demandé à notre syndicat professionnel que les magasins puissent reporter leurs loyers d’une durée égale à celle de leur fermeture forcée. Avec une idée simple : que le bail commercial soit prolongé d’autant.
Il faut que les indépendants de proximité puissent avoir les moyens de durer. Et pour cela, il faut aussi que les règles soient identiques pour tous. Aujourd’hui, peut-on m’expliquer pourquoi certaines grandes surfaces spécialisées (hors produits alimentaires bien entendu) sont autorisées à ouvrir alors qu’il y a des dizaines de clients dans ces magasins, alors que dans le même temps les petits magasins (avec des fréquences client très faible) qui respectent la loi doivent rester fermés ? Nous avons besoin d’avoir de la visibilité au niveau réglementaire.
Faites-vous allusion au retrait des commandes d’électrodomestique en drive ?
Oui mais pas uniquement à cela. Ce qui se passe, d’ores et déjà, avec le retrait de commandes sur les parkings de certains magasins, pose la question dont le déconfinement va se dérouler.
Comment cela va-t-il se passer de manière pratique ? Va-t-on déconfiner par régions ? Par secteurs d’activités ? Par taille de points de points de vente ? Quelles seront les nouvelles obligations pour les commerçants ?
Même si le confinement doit durer encore plusieurs semaines pour sauver le maximum de vies, les commerçants vont avoir besoin de réponses et de règles claires pour pouvoir s’organiser. Et puis il y a le problème de la gestion des masques. Il y a déjà tout un marché noir qui se met en place autour des masques chirurgicaux. Comment cela va-t-il se passer si le port du masque est amené à se généraliser dans nos commerces pendant des mois ? Je pense que là aussi, il faudra que cela soit réglementé par l’Etat pour éviter les trafics en tous genre. Il est temps de sauver ce commerce de proximité et ses entrepreneurs qui travaillent dur depuis très longtemps, qui sont de vrais professionnels au service de leurs clients, comme personne ne sait le faire !!!
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