L'électroménager a une part énorme à jouer dans la baisse de la consommation électrique mondiale
Lors de l'IFA 2023, le groupe Beko a présenté deux nouvelles technologies innovantes en lavage qui seront lancées en 2024 : EnergySpin chez Beko et AI-Sense chez Grundig. Nous avons pu échanger avec Hakan Bulgurlu, CEO du groupe mais aussi Président d'Applia, le syndicat européen des fabricants d'électroménager. Selon lui, l'électroménager a une part énorme à jouer dans la baisse de consommation électrique mondiale. Et grâce aux nouvelles générations d'appareils les plus performants, cela pourrait être fait rapidement si l'ensemble des gouvernements se penchaient davantage sur le sujet...
Neomag. Vous dirigez un groupe qui emploie 40 000 personnes dans le monde, dispose de 31 sites de production dans 9 pays, possède 14 marques et a réalisé un chiffre d’affaires consolidé de 7,7 milliards d’euros l’an dernier. Comment se comporte-t-il dans le contexte économique actuel ?
Hakan Bulgurlu, CEO du Groupe Beko. Depuis les années 2000, le groupe a connu une croissance rapide et constante. Aujourd’hui, en dépit des difficultés des marchés, la croissance du groupe se poursuit de manière globale, que ce soit en Europe qui représente 40% de notre activité, mais également dans les autres zones du monde où nous opérons. En Turquie, par exemple, marché très important pour nous, nous enregistrons une croissance en euros de 42% au premier semestre. J’évoque la Turquie et les chiffres en euros, car c’est un marché où l’inflation est forte.
Nous progressons également sur les marchés à faible taux d’équipement et forte population, tels que l’Inde, le Bangladesh, le Pakistan, l’Indonésie, le Vietnam. Tous ces marchés en développement souffrent aussi de l’inflation et malgré cela nous sommes en croissance. Une des raisons pour lesquelles nous nous en sortons bien est qu’en étant originaires de Turquie nous sommes habitués à gérer l’inflation. Nous savons changer notre « mix produit » et notre pricing en fonction des besoins des marchés. En terme de profitabilité, nous sommes également satisfaits des résultats de ce premier semestre.
Les marchés changent très vite. Actuellement les consommateurs demandent davantage d’innovation et de la valeur. A cause de l’inflation, leur revenu disponible diminue. Dans le même temps, le changement climatique est devenu une évidence. Les consommateurs s’orientent vers les entreprises et les produits les plus durables. Ces deux tendances de fond redéfinissent le business. Dans un tel contexte, ou le groupe Beko affiche son leadership, nous allons continuer à croître au niveau mondial.
En janvier a été annoncée la conclusion d’un accord concernant la reprise des activités d’électroménager de Whirlpool en Europe au sein d’une société commune ? Où en est le rapprochement ?
La fusion avance comme prévue. Nous sommes toujours dans la phase d’analyse des autorités de la concurrence en Europe et au Royaume-Uni. Ce processus devrait se terminer, je l’espère, d’ici la fin de cette année. La nouvelle compagnie en Europe apportera le meilleur de l’ADN, des marques et du savoir-faire des deux entreprises, afin de servir nos clients encore mieux.
Les deux dernières années ont été marquées par de fortes hausses de prix des appareils électroménagers. Comment voyez-vous évoluer la situation ?
En ce qui concerne l’Europe, les taux d’intérêts vont continuer à augmenter. Et les prix de l’énergie également cet hiver. Nous nous préparons à une récession. Cela engendre pour nous deux types de pressions pour l’an prochain : une poursuite de la baisse des revenus disponibles et une baisse de nos marchés. En tant qu’industriels nous allons devoir gérer une demande de prix et des coûts de production qui vont continuer à augmenter. Je pense que nous devrons assister à quelques augmentations de prix mais ensuite ces derniers devraient baisser.
Cependant le challenge principal pour notre industrie, c’est l’évolution des capacités de production en Chine. Comme le marché intérieur chinois est en chute, ils exportent leur production vers d’autres marchés, quitte parfois à vendre à perte. Et cela met de la pression sur les prix. D’autant qu’ils n’ont pas du tout les mêmes coûts que nous, que ce soit en termes d’énergie ou de capital.
Vous avez été l’un des premiers capitaines d’industrie de l’électroménager à vous impliquer sur le sujet du changement climatique. Pour interpeller l’opinion, vous avez gravi l’Everest, écrit un livre « Une montagne à gravir ». Sur l’IFA, le groupe a annoncé le lancement d’un jeu vidéo sur cette problématique. Est-ce une manière de sensibiliser les jeunes générations ?
Oui, tout à fait. Le changement climatique est bien réel. Malheureusement, les gens commencent à écouter quand ils le voient et le vivent. Et alors c’est trop tard. L’industrie de l’électroménager à une énorme responsabilité car les appareils consomment beaucoup d’énergie. En tant qu’industriel, nous faisons beaucoup d’efforts pour réduire cela au niveau de la production. Mais il a d’énormes gains à réaliser au niveau de l’utilisation des appareils par les consommateurs tout au long de leur cycle de vie. Ce que l’on appelle le Score 3.
Le problème est aujourd’hui très compliqué à résoudre. On évoque beaucoup des solutions avec le nucléaire, l’hydrogène ou les énergies renouvelables. Mais notre industrie peut permettre de réduire fortement la consommation des appareils. Les appareils de froid, de chauffage, de climatisation, d’éclairage et les moteurs électriques consomment 40% de l’électricité dans le monde. Aujourd’hui les technologies existent pour réduire cela. Avec les meilleurs appareils que nous proposons, vous pouvez d’ores et déjà réduire cette consommation électrique de 50%. En faisant cela au niveau mondial, on pourrait fermer l’équivalent de plus de 2 000 centrales à charbon fortement émettrices de CO2. Les gouvernements doivent s’emparer rapidement de ce sujet et mettre en place des réglementation qui vont dans ce sens.
Vous êtes Président d’Applia, le syndicat européen des fabricants d’électroménager. L’Europe est en pointe sur le sujet de la durabilité et de la performance énergétique des appareils. Peut-elle être un exemple ?
L’Europe est sur la bonne voie avec le « Green Deal ». Avec Appli, nous parlons avec les gouvernements sur la manière de trouver les meilleures solutions ayant les plus forts impacts dans le minimum de temps face face aux échéances du changement climatiques. L’Europe fait les bonnes choses, mais l’Europe représente 8% des émissions globales de CO2. Même si nous sommes un exemple et que nous faisons bien les choses, cela ne suffira pas à résoudre le problème. La solution doit être globale. C’est très bien d’être un exemple, mais l’enjeu c’est que les Etats-Unis et la Chine suivent… Je pense aussi que la solution pour aider les pays en développement est d’instaurer une taxe carbone sur l’ensemble des biens et des services. Mais c’est un autre sujet…