Selon les auteurs de ce bilan 2023, cette résilience du marché de l’ameublement s’explique par l’émergence de nouvelles attentes des ménages en termes de fonctions et d’organisation de leur maison. La période covid a montré que les Français avaient changé une partie de leur mobilier sans forcément déménager. Cette volonté de renouveler son intérieur, en restant chez soi, est une des principales conséquences du covid qui génère des paniers moyens plus élevés. 2023 aura vu une baisse de la fréquentation accompagnée par une baisse des volumes mais toujours une hausse des paniers moyens, quel que soit le type de meuble. 2023 s’est scindée en deux périodes bien distinctes, un premier semestre toujours très porteur et un second semestre beaucoup plus tendu en termes de trafic.
Literie en hausse, cuisine en baisse : le bilan 2023 contrasté des marchés du Meuble
14,6 milliards d’euros, c’est le montant des dépenses que les Français ont effectué sur le marché de l'ameublement en 2023 selon les chiffres IPEA pour l'Ameublement Français et la CNEF. Un marché marqué par une baisse en valeur (-2,5%) tant en volume (-8%) avec des disparités selon les catégories : Cuisine intégrée (-6,9%), Salle de Bains (-5,6%), Literie (+1,2%), Meublant (+0,1%), Siége (- 1,8%), Meuble de Jardin (- 4%). En 2024, le secteur ne pourra toujours pas compter sur l'immobilier. Confronté à une baisse du trafic, les magasins devront encore davantage jouer la carte de l'omnicanalité, du sur-mesure, des services et du financement. Les récente études sur les intentions d'achats le confirment : dans un monde de plus en plus anxiogène, la maison demeure un espace de confort et de sécurité à améliorer.
Le marché de la cuisine intégrée en recul à 3,9 milliards d’euros
Après des années exceptionnelles, le marché de la cuisine intégrée est rentrée dans le rang avec un ajustement fort des volumes vendus. Entre crise de l’immobilier et « pause » du consommateur, le ralentissement a été fort en 2023 (-6,9% en valeur) mais les budgets moyens se sont maintenus. Selon l'IPEA, cette baisse d’activité semble être le début d’une réorganisation de l’offre qui devrait voir revenir de manière plus distincte la différence entre le monté et le kit pour des questions de prix. 2023 a aussi été le début d’une rationalisation des points et espaces de vente ayant ouvert aux quatre coins de la France.
Comme pour la cuisine, le choc de l’immobilier est également bien visible sur le marché du meuble de salle de bains (0,5 milliards d’euros en baisse de 5,6%), qui doit de plus en plus compter sur le besoin de confort des ménages souhaitant renouveler leur salle de bain sans déménager. L’évolution démographique de la France devrait porter ce marché de confort et de bien-être dans les prochaines années.
Le marché de la literie en hausse à 2,1 milliards d’euros
Bien que le covid ait déclenché chez le consommateur une attente de confort, la literie n’avait pas profité pleinement de ce besoin... Peut-être parce que les dix dernières années avaient fortement porté cette famille de produits. Après ces deux années de « pause », il semblerait que la literie reparte à la conquête des consommateurs grâce aux propositions des marques et des enseignes qui multiplient les points de contact avec un maillage croissant du territoire et une présence internet soutenue.
Le meuble meublant stable à 4,8 milliards d’euros
Famille « historique » du marché, le meuble meublant, a terminé 2023 de façon stable en valeur (-0,1%). Mais cela masque des différences de performances selon les produits et les acteurs. La baisse des volumes est flagrante et la recomposition produit/projet est au centre de toutes les attentions. Le produit meuble à poser neuf est de plus en plus concurrencé par l’occasion (21% des meubles entrants chez les ménages) tandis que les ensembles de meubles issus d’un configurateur commencent à créer de la valeur avec le mot magique de « sur-mesure ».
Selon l’IPEA, cette réorganisation structurelle de l’offre répond à une attente croissante des Français « d’agencement » de leur intérieur pour gagner de la place et penser leur logement en m3 plutôt qu’en m2. Ranger est devenu l’attente principale des consommateurs avec un besoin d’optimiser l’espace d’un logement que l’on souhaiterait plus grand. Les bonnes performances des acteurs en 2023 passent par une exploitation subtile de cet équilibre entre produit et projet mais aussi par une offre de mobilier à poser mieux adaptée à nos modes d’habitat et avec une note stylistique différenciante. En un mot, les ensembles historiques de séjour « enfilade-table-chaises » ou ceux de la chambre « armoire-lit-chevets- commode » se recomposent selon les attentes des consommateurs et la concurrence du marché de l’occasion.
Canapés, banquettes et fauteuils ont terminé l’année en légère baisse (2,6 milliards d’euros, -1,8%) avec une offre accrue sur le « pavé » salon de la grande distribution, un regain des m2 chez les spécialistes et une présence en ligne toujours plus forte. Les produits convertibles portent toujours ce marché en demande d’optimisation d’espace tandis que l’offre fixe se taille la part du lion dans le salon au détriment du meublant.
Le meuble de jardin en baisse à 700 millions d'euros
Le marché des meubles de jardin avait également connu une envolée de ses ventes avec l’effet covid. En 2023, il a reculé de - 4,5% pour peser 700 millions d’euros. L’année dernière a marqué une forte tension sur les volumes tandis que les paniers moyens sont restés bien orientés. Aménager son balcon, sa terrasse ou son jardin reste un souhait important des Français qui sont de plus en plus prêts à y mettre le prix. Par conséquent, face à des arbitrages et avec une météo peu favorable, les Français ont reporté leurs achats sans se laisser tenter plus que cela par des offres de prix bradés sur des produits d’entrée de gamme.
Des magasins qui ont du gérer l’impact des baisses de fréquentation
En 2023, la grande distribution ameublement (38,5% de part de marché) a vu ses volumes de vente baisser comme jamais et l’équilibre des uns par rapport aux autres a résidé dans la capacité à maintenir voire augmenter le budget moyen. Les performances sont très diverses entre les familles de produits et les acteurs mais une chose est sûre, le second semestre a été tendu pour tous. Plus que tout, la distinction « produit » par rapport à « projet » distingue les performances, tout comme la capacité à offrir des gammes différenciées en termes de marque, marque propre, fonctions et design.
Egalement touchées par la baisse de fréquentation, les enseignes multi-spécialistes ameublement moyen et haut de gamme (10,9% de part de marché) « atterrissent » après des années post-covid très porteuses. Le savoir-faire des points de vente a permis de compenser la baisse de trafic avec un panier moyen stable voire en progression.
Les spécialistes (24,6 % du marché) sont ceux qui ont subi le plus durement la baisse de fréquentation. Leur atterrissage à -6,9% en valeur montre qu’ils ont bien maintenu leur prix, mais que la baisse des volumes est bien là aussi. Cependant, ils sont toujours à +14,2% par rapport à 2019 (en valeur). Selon l’étude, leur capacité à relancer le trafic du secteur sera la clé de l’année 2024.
Coup de froid pour les grandes surfaces de bricolage au second semestre 2023,(-5,5%) Le retournement de situation entraine des économies sur les coûts d’exploitation et devrait faire revenir des offres plus « produit » par rapport aux « projets » avec un objectif à court terme simple : faire des économies sur la masse salariale.
Enfin, les pure-players se réorganisent avec la montée en puissance constante des marketplaces. L’attrait pour une offre « pro » gagne la plupart des acteurs à la recherche de relais de croissance tandis que le reconditionné se met lui aussi en ligne.
2023 : recul du nombre de permis de construire (-25%) et des mises en chantiers (20%)
Les difficultés rencontrées par l’immobilier neuf et ancien rehaussent l’appréciation de la performance du marché du meuble qui est parvenu sur l’exercice à fortement limiter le recul de son activité.
Selon les dernières données disponibles à fin novembre 2023, les permis de construire délivrés étaient encore en recul de 4,0% sur le trimestre de septembre à novembre et de 25,5% sur un an. Même constat en ce qui concerne les mises en chantier qui reculent pour leur part de 23,4% sur le trimestre et de 19,6% sur un an. Ces dernières sur douze mois glissants, de décembre 2022 à novembre 2023, repassent sous les 300 000 unités pour la première fois depuis 1997 où elles s’élevaient à 294 300 unités, contre 294 700 sur douze mois à fin novembre.
Les permis de construire sont également en recul avec des niveaux là aussi au plus bas à 372 500 unités à fin novembre sur douze mois glissants. Ce résultat est en-dessous des 380 000 unités enregistrées à la fin de l’année 2020 où le secteur avait pourtant été ralenti, voire à l’arrêt, pendant de nombreuses semaines suite aux deux confinements qui ont rythmé l’année.
Au vu de la chute des permis de construire délivrés cette année, les mises en chantier devraient rester à des niveaux extrêmement bas en 2024, c’est en tout cas ce que prévoit la Fédération française du Bâtiment qui table pour sa part sur 240 000 logements mis en chantier en 2024, soit un recul qui approcherait les 20% si l’on se réfère aux résultats sur douze mois à fin novembre 2023.
2024 : il ne faudra toujours pas compter sur l’immobilier
En ce qui concerne les transactions dans l’immobilier ancien, celles-ci sont également en recul selon la dernière note des Notaires de France du mois d’octobre 2023. Les transactions repassent sous le million d’unités en rythme annuel pour s’établir à 955 000 unités sur les douze derniers mois à la fin du mois d’août 2023 selon les résultats diffusés dans cette note. La chute s’accélère ainsi pour ces dernières tout au long de l’année : si le recul était de 6% sur douze mois en janvier 2023, il passe ensuite à 10% en avril 2023 pour atteindre presque 17% au mois d’août 2023. Les transactions restent au-dessus de leur moyenne du début des années 2010 mais devraient encore ralentir dans les mois qui viennent. Le marché reste dans l’attente d’un recul des prix, les vendeurs ne consentant pas encore à baisser les prix de leurs biens. En ce qui concerne les primo-accédants, leurs revenus ne leur permettent plus d’acheter leur logement. Le contexte inflationniste, notamment en ce qui concerne les taux d’intérêt, a réduit le pouvoir d’achat des futurs acquéreurs en diminuant leur capacité d’emprunt.
En 2024, comme en 2023, le marché du meuble ne pourra pas compter sur celui de l’immobilier neuf et ancien pour soutenir ses ventes. Cette situation n’est toutefois pas rédhibitoire comme le montrent les résultats de l’année 2023 durant laquelle les reculs d’activité très marqués dans l’immobilier ne se sont pas répercutés de manière forte sur la valeur du marché du meuble, du fait d’un intérêt marqué des ménages pour leur intérieur.
Dans un monde de plus en plus anxiogène, la maison demeurera un espace de confort et de sécurité à améliorer
Les résultats 2023 du marché de l’ameublement confirment son atterrissage entamé fin 2022 et un retour à une activité comparable à celle des années précédant l’exceptionnelle et atypique période « COVID ». Dans un contexte global de consommation morose, le secteur démontré sa résilience, avec un maintien à date du nombre de magasins.
Pour 2024, des intentions d’achats en hausse, sont le signe d’un attrait toujours vif des Français pour le logement et son aménagement. Les enquêtes les plus récentes confirment leur souhait de poursuivre l’aménagement de leur habitation, synonyme pour eux de confort et de sécurité dans un monde actuellement très anxiogène. 76,9% des ménages indiquent ainsi que la situation économique et sociale les conduit à passer plus de temps chez eux, plus de 55% d’entre eux déclarant se sentir « en sécurité » et avec un « meilleur moral » quand ils sont chez eux comme évoqué dans l’étude Sofinco Profile. Egalement, 88% des français déclarent aimer être à la maison qu’ils définissent comme l’endroit où ils se sentent le mieux (source : baromètre Sociovison 2023)
La dernière enquête consommateurs réalisée en décembre 2023 auprès de 6 000 ménages représentatifs confirme ainsi des intentions d’achat 2024 en hausse par rapport à 2023 pour presque toutes les familles de produits d’ameublement. Au total, 18 millions de ménages ont l’intention d’acheter au moins un bien pour l’équipement de la maison en 2024. 3,5 millions de ménages envisagent l’achat d’une literie, 3,2 millions celui de meubles de cuisines, 3 millions celui de tables et autres meubles, 2,8 millions celui de sièges et canapés. La part des ménages qui estiment devoir contraindre leurs achats d’équipement de la maison en 2024 diminue par rapport à l’année précédente à 48%, le secteur de l’ameublement étant moins impacté par cette diminution des dépenses que ceux des loisirs (60%) ou de l’équipement de la personne (57,2%)
Financement : des Français prêts à des mensualités oscillant entre 110 € pour la literie et 157€ pour la cuisine
Même si la sensibilité des clients au prix s’est stabilisée, encouragée par la modération tarifaire des professionnels en 2023 (évolution de l’indice des prix des Meubles et articles d’ameublement + 5.7% en 2023 vs 2022, avec un très net ralentissement sur le second semestre) et par la multiplication d’offres à prix d’accès (notamment en cuisine), les intentions d’achats 2024 bien orientées doivent, en effet, être confortées par de multiples facilités de paiement.
Environ 50% des acheteurs potentiels de meubles seraient en effet prêts à renoncer à leur achat en cas de trop forte augmentation des prix. Les mensualités que les ménages souhaitent rembourser pour financer leur achat de mobilier sont en hausse générale par rapport à 2023, preuve supplémentaire de réelles envies d’achat. Ces mensualités oscillent entre 110€ pour la literie et 157€ pour la cuisine selon l'étude Profil 2024 de Sofinco. En partenariat avec les organismes de crédit, toutes les enseignes multiplient donc les facilités de paiement pour permettre au client de mieux maîtriser son budget.
Des investissements significatifs sont également consentis par de nombreux distributeurs pour baisser les prix de façon durable et hors promotion, à l’instar d’Ikea, sur des produits phares.
Répondre à la demande croissante de mobilier d’occasion
Ce sera également une piste a mieux explorer en 2024. Car la part des ménages déclarant une intention d’achat de mobilier d’occasion augmente. 34% d’entre eux sont prêts à recourir à la seconde main pour au moins un de leurs achats, principalement pour acheter un meuble (39% des ménages), un canapé ou un meuble de cuisine (25% des ménages) selon l’étude Profil 2024 de Sofinco.
Les deux tiers de ces achats d’occasion restent motivés par la recherche d’économies, la motivation écologique étant avancée par 40% des acheteurs interrogés. Pour répondre à cette attente croissante des consommateurs, les professionnels multiplient les tests et actions, à l’exemple de Schmidt Groupe qui expérimente la seconde vie des cuisines avec des professionnels de l’habitat social et des acteurs de l’économie sociale et solidaire.
Magasins : continuer d’investir pour renforcer l’offre de service
Confirmés comme lieu privilégié des achats d’ameublement par 67 à 86% des acheteurs d’ameublement décoration selon la famille de produits concernée (80% des acheteurs de cuisines selon l'étude Profil 2024 de Sofinco), les magasins et leurs enseignes perçoivent enfin le retour positif des investissements massifs consentis au cours des dernières années.
La frontière entre commerce en ligne et commerce physique s’efface, les deux formant désormais un tout inséparable. Les magasins se sont digitalisés et les sites de vente en ligne « sédentarisés », de multiples pure players mettant en place une stratégie retail sous forme de magasins ou de corners. Préparation de l’achat en ligne puis concrétisation par l’achat en magasin sont désormais le modèle dominant.
De multiples investissements se poursuivent pour mailler encore plus finement le territoire et se rapprocher au plus près des clients à l’instar de Schmidt Group qui a ouvert 82 magasins en 2023, de Ikea qui multiplie les présences urbaines sous des formats variés ou encore de Roche Bobois qui poursuit ses ouvertures tant à l’étranger qu’en France. Il s’agit aussi d’améliorer la préparation en ligne des achats à l’instar du nouveau studio immersif d’Ikea ou de l’outil de réalité augmentée de H&H permettant de visualiser un produit chez soi, depuis son mobile ou sa tablette. Répondre aux exigences accrues des consommateurs en termes de fonctionnalité et d’aménagement « sur-mesure » est aussi une piste d’avenir.
Soutenir le dynamisme du marché sur le moyen terme
Confrontés comme l’ensemble de l’économie et de la population aux multiples incertitudes géopolitiques et à l’ambiance morose induite, distributeurs et industriels de l’ameublement s’activent et multiplient les initiatives pour pallier les contreperformances du marché immobilier et soutenir le dynamisme du marché à moyen terme.
A titre d’exemple, alors que le segment cuisine accuse un recul notable, les acteurs majeurs de ce segment continuent d’investir. Ainsi le groupe Fournier (Mobalpa, Perène, So’cooc) investit 130M€ dans un nouveau site de production pour répondre aux attentes des consommateurs orientées vers des projets d’aménagement intérieur « sur-mesure » offrant plus de services aux clients. Dans cette même logique, Cuisines Morel développe son attractivité en organisant ses 3 sites de production afin de proposer une production de proximité à moins de 400 km de ses clients, avec une nouvelle gamme développée avec la designer Bina Baitel.
L’offre fabriquée en France gagne malgré tout des parts de marché
Dans ce contexte, et bien que les arbitrages des consommateurs en période d’inflation soient moins orientés que précédemment vers le « Made in France », l’offre fabriquée en France gagne des parts de marché passant d’un taux de couverture de 25% en 2022 à 26% en 2023 (source : estimation l’Ameublement français). Sérieux de l’approche RSE, stabilité logistique et flexibilité de réapprovisionnement favorisent une production de proximité dans les offres des distributeurs. Enfin, les fabricants français continuent également d’investir pour diversifier leur activité et profiter de la dynamique d’autres marchés comme celui de l’hospitality business ou d’autres territoires géographiques comme le Moyen-Orient ou les Etats-Unis. A l’instar de la société Résistub qui a développé fortement son activité hôtellerie-restauration ou du fabricant français de canapés Home Spirit, qui après une expérimentation concluante sur le marché américain, ouvre une filiale aux USA.