Franck Pellé. Résumons les points négatifs de 2024 pour mieux souligner les aspects positifs, car il y en a. L’année 2024, on le sait, a été difficile. Les secteurs du bâtiment et de l’immobilier se sont retrouvés totalement en berne (dans l’ancien comme dans le neuf), ce qui a eu des impacts sur le marché de l’électroménager. Le marché s’est avéré négatif pour la troisième année consécutive, ce à quoi peu de gens s’attendaient, que ce soient les fabricants de cuisines ou d’électroménager. Les deux premières années étaient prévisibles (en 2022 et 2023). Après les années Covid, il était évident qu’une partie des consommateurs déjà équipée allait consacrer ses budgets à autre chose qu’à sa maison. On s’attendait donc à ce que le marché de l’électroménager et des cuisinistes soit négatif. Mais en 2024, alors qu’on prévoyait au pire un marché stable, les chiffres ont été fortement négatifs, ce qui a d’ailleurs entraîné de nombreuses faillites. Dans le cas d’Eberhardt, cela a rendu la chose encore un peu plus compliquée dans un contexte où suite au départ de Liebherr, l’entreprise était en train de se réorganiser pour s’adapter à une nouvelle dimension. Il aurait été bien plus confortable de redémarrer sur un marché stable.

Comme toute période sélective, elle est intéressante car elle oblige à une remise à plat de tous les process. Une telle période permet aussi de savoir sur qui on peut compter, en interne comme en externe, ceux qui croient en la capacité de l’entreprise à rebondir après une passe difficile. 2024 nous a aussi permis de valider la confiance de nos fournisseurs et de la plupart nos clients. Enfin, nos collaborateurs en interne, qui ont tous vu leurs tâches évoluer et ont dû se réadapter, ont su montrer une faculté de résistance et de résilience impressionnante.

J’ai retrouvé les mêmes qualités chez nos clients. Le salon EspritMeuble nous a permis de nous en rendre compte. Ceux qui sont venus nous rendre visite lors du salon avaient très envie d’échanger pour parler de nouveautés, de visites magasins plutôt que de ressasser des problèmes. Les discussions étaient à la fois intéressantes et orientées vers l’avenir. Malgré les difficultés qu’ils traversent également, ils montrent une énergie constante communicative, avec de bonnes idées, ainsi qu’une envie de se battre. J’ai eu l’impression que ceux qui avaient choisi de rester exposants sur ce salon et ceux qui avaient décidé d’y venir en tant que revendeurs formaient une sorte d’équipe de « warriors ». J’ai perçu cet événement comme une sorte de bastion de ceux qui avaient décidé de ne pas baisser les bras ; on ressentait de la dignité et de la confiance.

Il est certain que les chiffres ne vont pas s’inverser à partir du 1er janvier. D’autant que l’instabilité politique crée de l’incertitude, ce qui n’est pas très favorable. Mais le marché de l’immobilier ne pourra pas rester « en panne » beaucoup plus longtemps ; quand bien même les banques resteraient frileuses, ce sont les prix de cession qui risquent de baisser. On peut sans doute espérer une reprise au plus tard entre mars et mai, qui bénéficiera ensuite à notre marché. Le premier trimestre risque d’être encore très compliqué mais le second semestre devrait être plus porteur ; il faut qu’il le soit suffisamment pour compenser le début de l’année. En 2025, le marché devrait être au moins égal, si ce n’est positif.

Le redémarrage se fera assez massivement soit sur de la MDD, soit sur des marques haut de gamme. Cela ne veut pas dire que les autres n’existeront pas mais elles souffriront plus. Les marques européennes, notamment, subiront une concurrence asiatique très agressive, qui risque de l’être davantage avec la difficulté d’entrer sur le marché américain. En ce qui concerne les marques haut de gamme, que ce soit pour le meuble ou l’électroménager, la vraie différenciation produit et la différenciation de politique commerciale feront la différence. Ceux qui remplissent ces deux conditions ont une chance de s’en sortir et de profiter du rebond du marché, d’autant qu’il risque d’y avoir soit moins d’acteurs, soit des acteurs « en panique » dont la politique commercialise se dégrade.
En ce qui concerne les différentes familles de produits, le marché se paupérise énormément lorsque les gens ne font que du remplacement. C’est le cas lorsqu’ils ne peuvent pas déménager : ils investissent dans des produits peu chers supposés tenir jusqu’à ce qu’ils puissent changer de logement. Donc lorsque l’immobilier va redémarrer, le prix de vente moyen des appareils aura tendance à remonter en faveur des marques parce que les consommateurs s’équiperont pour eux et pour un temps plus long.