Les cycles de notre marché se sont allongés parce que nous avons tous travaillé sur la réparabilité
Sur un marché du gros électroménager en recul en 2024, le groupe Electrolux/AEG a bien tiré son épingle du jeu, en gagnant même des parts de marché, selon Anne Martel, Directrice Générale d’Electrolux France. Expliquant les raisons de ce succès, elle livre également son analyse d’un marché qui a toujours fonctionné par cycles, selon elle. Ces derniers se sont seulement allongés.
Neomag. Quel bilan tirez-vous de l’année 2024 ?
Anne Martel. Après les années de reprise post Covid où les marchés enregistraient une croissance à deux chiffres, à partir de juin 2023, il y a eu une baisse de la demande. Celle-ci a coïncidé avec une augmentation du prix des matières premières qui a entraîné une hausse des prix des produits. Le marché a donc été largement tiré vers le bas. Nous avons tous tenté de réagir comme nous le pouvions, notamment sur l’échelle d’approvisionnement, mais il est difficile de gérer une telle décélération du marché après une croissance aussi importante. Actuellement, nous sommes tous face à une baisse assez volumique, puisque les volumes globaux sont comparables à ceux de 2014.
Dans ce contexte, chacun doit essayer de tirer son épingle du jeu avec ses nouveautés, sa politique commerciale et sa propre stratégie. C’est ce que nous avons fait cette année chez Electrolux, puisque sur ce marché en fort repli, nous sommes l’acteur qui a gagné le plus de parts de marché en 2024, que ce soit à l’échelle de la France (qui a enregistré la plus forte décroissance des pays européens) ou de l’Europe.
Pour vous, le bilan de 2024 est donc plutôt positif ?
En effet, parce que nous investissons depuis longtemps dans toutes nos communications sur l’écoresponsabilité. EcoLine fait partie de nos succès de 2024 : nous avons enregistré +70% de ventes de produits EcoLine sur l’année. Il s’agit de notre gamme la plus écoresponsable, qui permet au consommateur de faire les plus importantes économies d’énergie (nous lui apprenons comment se servir de nos produits directement sur les façades plutôt que sur les notices).
Nous avons aussi réajusté notre politique commerciale dans un contexte où il y a eu beaucoup de fluctuations tarifaires, ce qui nous a permis de regagner l’appétence de nos clients. Mais dans cette conjoncture baissière, le grand gagnant de l’année 2024 a été la MDD.
Comment abordez-vous 2025 ?
Nous attaquons 2025 avec des bases solides. Nous nous sommes réorganisés et nous avons des équipes fidèles qui sont en place, ce qui est primordial. Enfin, nous avons un dispositif produit exceptionnel. Nous sommes dans la continuité du lancement de SaphirMatt, qui est un véritable succès en France et partout en Europe. Nous avons même été victimes de notre succès puisque nous n’avons malheureusement pas pu livrer tous nos clients. Nous allons aussi avoir en support produit le dispositif le plus exceptionnel que nous ayons jamais eu, à travers la nouvelle gamme AEG qui fait appel à l’intelligence artificielle. Je pense que l’année 2025 va être très belle pour Electrolux.
Mais il reste la question du marché. Je pense que l’année va encore être en « dents de scie ». D’habitude, nous constatons (avec le Gifam) que lorsque les taux baissent, le marché immobilier reprend dans les six mois. Or, malgré la baisse des taux, cela n’a pas encore eu lieu. Mais les études annoncent que la baisse des taux va se poursuivre en 2025 et une reprise de 1,5% du marché de l’immobilier. Ce dernier est directement lié à l’encastrable, qui a le plus souffert en 2024. C’est cette reprise qui va nous permettre de redynamiser le marché de l’électroménager. Donc l’année 2025 sera peut-être en dents de scie mais supportée par une tendance qui va revenir progressivement à la normale. La lumière est au bout du tunnel.
Si 2025 demeure un peu difficile, il faut donc s’accrocher à l’idée d’une amélioration progressive et d’une année 2026 qui pourrait voir le marché revenir à la normale ?
Nous sommes quoi qu’il en soit sur un marché cyclique. On peut le constater depuis des décennies. Les cycles se sont juste un peu allongés ; c’est ce qui perturbe tout le monde. Il y a des raisons économiques à cela mais la conjoncture n’est qu’une partie de l’explication. Les cycles se sont aussi allongés parce que nous avons tous travaillé sur la réparabilité des produits. Ce qui fait que les durées de vie des appareils s’allongent. Chez Electrolux, nous permettons de les réparer jusqu’à 15 ans.
Mais les appareils électroménagers correspondent à des besoins de consommation qui ne peuvent pas changer. On a toujours besoin d’un réfrigérateur ou d’un lave-linge, même s’ils durent un peu plus longtemps. Pour redonner au consommateur l’envie de renouveler son produit, il faut assurer la recyclabilité de son ancien appareil mais aussi lui permettre d’investir dans un équipement plus économe en énergie et fait de matières recyclées. Dans notre cas, nous lui apprenons même à bien utiliser son produit pour faire des économies d’énergie (on peut rappeler que 85% des émissions de CO2 sont liées à la phase d’utilisation). Et enfin, les bénéfices d’usage comptent également beaucoup. L’intelligence artificielle que nous avons déployée, par exemple, a une vraie valeur ajoutée pour le consommateur final puisqu’on lui propose un assistant virtuel à la maison pour l’aider à cuisiner.
Les consommateurs sont à la recherche d’équipements plus responsables et durables mais le critère du prix demeure le plus important. Comment inverser cette tendance ?
Dans les études que nous faisons avec le Gifam, nous voyons que l’écoresponsabilité arrive seulement en cinquième position des critères de choix. Et dans le contexte économique actuel, les consommateurs se soucient d’autant plus des prix et des promotions.
Mais il faut s’intéresser à la jeune génération, qui est très préoccupée par la planète. Ce sont des personnes qui sont nées avec cette préoccupation alors que nous, nous avons appris. Le potentiel est là. Toutefois, l’écoresponsabilité n’est pas une fin en soi. En la matière, à un moment, nous serons tous au même niveau. Ce qui fait et fera la différence, c’est la valeur d’usage et les vrais bénéfices d’utilisation. Voilà un exemple concret qui allie écoresponsabilité et service rendu au consommateur : désormais, il n’est plus nécessaire de préchauffer le four, ce qui nécessitait 10 à 12 min et de surveiller jusqu’à ce que la bonne température soit atteinte. On gagne du temps, on gagne en simplicité, en efficacité et on fait des économies d’énergie.