En 2024, le chiffre d’affaires du GEM accuse un recul de presque 4%
En 2024, le chiffre d’affaires du GEM accuse un recul de presque 4%
le 13 février 2025
, par Alexandra Bellamyhttps://www.linkedin.com/company/neomag/
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En 2024, pour la seconde année consécutive, le chiffre d’affaires du gros électroménager (GEM) a reculé de quasiment de 4%, selon les données du Gifam et de NielsenIQ GfK. Les ventes ont été impactées par divers facteurs extérieurs : contexte politique et économique, météo, marché de l’immobilier… Mais les chiffres et études montrent que les innovations parviennent encore à créer de la valeur. De plus, certains signaux laissent présager une reprise qui devrait commencer à se sentir sur le marché du GEM à partir du second semestre.
En 2024, le marché global de l’électroménager a généré un chiffre d’affaires total de 9,6 milliards d’euros, en progression de 100 millions d’euros. Contrairement au petit électroménager (PEM) qui a bénéficié d’une croissance record, le GEM a reculé de 1% en volume et 3,9% en valeur. Un résultat que le Gifam et GfK relativisent toutefois dans la mesure où le chiffre d’affaires de 5,6 milliards d’euros dégagé par le GEM en 2024 demeure supérieur à ce qu’on pouvait observer avant le Covid (5,32 milliards d’euros en 2019).
Malgré une courbe descendante, par rapport à 2019, la croissance du chiffre d'affaires est qualifiée de « non négligeable » (+5,4% en valeur).
Un contexte général défavorable
Quand on observe le marché global de l’équipement de la maison, hormis le PEM qui progresse de 8% en volume comme en valeur, tous les autres univers voient régresser à la fois leur chiffre d’affaires et leur volume de ventes. Le GEM ne fait donc pas figure d’exception. Et là encore, le Gifam et NielsenIQ GfK mettent ce chiffre en perspective : 25 milliards d’euros en 2024, c'est moins qu'en 2023, certes, mais c'est 4% de plus qu'en 2019.
Dans le cas plus spécifique du gros électroménager, « jusqu’au Covid, nos marchés avaient des rythmes assez traditionnels et étaient relativement stables, le PEM comme le GEM. Le Covid a vraiment marqué une rupture (…) 2022 et 2023 ont été des années de rééquilibrage, sachant qu'en 2023 déjà on a senti l'impact d'une forte inflation et d'un marché de l’immobilier qui a commencé à se tasser » remarque Véronique Denise, Présidente du Gifam.
Si on compare le CA global de l'univers de l'équipement de la maison en 2024 à celui de 2019, la dernière année « standard » avant la période Covid qui sert donc de point de repère, les ventes progressent de 4% en valeur.
De plus, alors que le petit électroménager parvient à déclencher des achats coup de cœur, dans le cas du gros électroménager, c’est plus complexe. « On sait que les achats de GEM sont beaucoup plus réfléchis, plus impactants en termes de valeur et surtout, le GEM est plus impacté par des éléments exogènes. On parle du contexte politique, mais aussi d’éléments climatiques et bien entendu de l’immobilier » poursuit la Présidente du Gifam.
Enfin, Chrystelle Comparato, directrice de l’expertise Tech&Durable NielsenIQ GfK, souligne que « la France est marquée, beaucoup plus que ses voisins, par le phénomène des marques distributeurs qui est beaucoup plus fort en France », ce qui « tire le marché et la valeur vers le bas » analyse-t-elle. C'est la raison pour laquelle comparé aux autres marchés européens, le marché français du GEM est le seul à rester nettement en repli.
Grâce aux ventes record de petit électroménager (+8% en volume et en valeur), le marché global de l'électroménager reste positif.
L’encastrable fortement pénalisé par le contexte immobilier
Qu’il s’agisse des autorisations de construction dans le neuf ou des transactions dans l’ancien, le marché de l’immobilier est en baisse quasiment constante depuis fin 2021. Or, le marché du gros électroménager y est fortement lié, en particulier aux achats dans l’ancien. Le Gifam et NielsenIQ GfK ont mis en parallèle sur près de 20 ans ces transactions avec les ventes de GEM. « La corrélation est très forte entre les ventes de gros électroménager et les fluctuations immobilières dans l’ancien. Elles ne fluctuent pas avec la même ampleur mais elles fluctuent de manière systématique » commente Laurent Cours, Directeur Statistiques et Études du Gifam. Selon les données croisées du Gifam et de l’INSEE, dans 80% des cas, lorsqu’on fait des travaux de cuisine, on achète en moyenne deux appareils électroménagers. Donc si on réduit le nombre de transactions et en conséquence le nombre de rénovations, cela ampute d’autant le marché du GEM. L’année 2024 le confirme à nouveau. C’est le marché de l’intégrable, en particulier, qui en a souffert puisque son chiffre d’affaires a reculé de 6,4%. Les résultats de la pose libre sont également en recul : -2,2% en valeur. Sur l’ensemble des pays européens, le poids de l’encastrable comparé à la pose libre est soit stable, soit en léger recul, comme c’est le cas en France. Il passe en effet de 39% de la valeur du GEM en 2023 à 38%.
Directement lié au marché de l'immobilier, l'encastrable perd de la valeur et perd un peu de poids sur le marché global du GEM.
Des prix moyens en baisse
Sur ce marché du GEM qui « continue à souffrir », Chrystelle Comparato attire notre attention sur le repli bien plus important en valeur (4%) qu’en volume (1%), signe d’une baisse des prix de vente moyens. Ce phénomène est lié au contexte économique qui pousse les consommateurs à être de plus en plus attentifs aux prix, mais également aux activations promotionnelles, ainsi qu’à la concurrence des MDD. « Cet écart volume-valeur indique une baisse du prix moyen qui vient aussi d’un phénomène important qui est la montée en puissance des marques propres, qui depuis la période Covid se sont largement développées. Elles représentent aujourd’hui 40% du marché en volume » explique-t-elle. En France, en 2024, le prix de vente moyen s’élève à 387 € contre 400 € en 2023. Cette baisse de prix du GEM est généralisée aux autres pays européens.
Le prix moyen baisse également dans les autres pays d'Europe. Mais la France subit plus que ses voisins la concurrence des MDD.
Allier activation promotionnelle et innovation pour créer de la valeur
Mais l’attrait des consommateurs pour les fonctionnalités innovantes d’un côté et de l’autre l’attention qu’ils portent aux prix, notamment aux promotions, offre des opportunités. « Ce qu’il faut retenir malgré cette baisse de prix, c’est qu’il y a tout de même des poches de croissance et des segments qui continuent à fortement progresser et qui sont à assez forte valeur ajoutée. L’innovation reste malgré tout le cœur des différents marchés » relève Chrystelle Comparato. Les données marché de GfK complétées par les études du Gifam mettent en lumière le succès de quelques fonctionnalités innovantes, permettant à certaines catégories de tirer leur épingle du jeu. Exemples : les lave-linge équipés d’une fonction de dosage automatique (+12,6% en valeur) ou d'un programme de nettoyage du tambour (+18%), les tables de cuisson ventilées (+12,5 millions d’euros en 2024, soit +18% en valeur). Quant aux ventes d’appareils connectés, elles accélèrent dans toutes les catégories (froid, cuisson, lavage). Ces appareils intelligents ont généré près de 120 millions d’euros (+16%).
Au sein d'un univers de la cuisson en recul, les tables ventilées ont progressé de 18% en valeur. Leur CA a été multiplié par cinq en quatre ans. Laurent Cours remarque qu'une telle croissance sur un marché pénalisé (lié à l'immobilier) est une sacrée performance. Cette catégorie doit son succès à l'innovation : élargissement de l'offre avec de nouveaux formats, notamment plus petits, arrivée de nouvelles fonctionnalités...
Selon Chrystelle Comparato, il est possible de créer de la valeur en allant sur des segments plus haut de gamme si on parvient à mettre en avant des innovations (« si possible de rupture ») et des prix attractifs – sachant que les consommateurs scrutent de plus en plus les prix et sont de plus en plus en attente de promotions. Elle cite l’exemple des tables de cuisson avec hotte intégrée, dont le prix de vente moyen s’élève à 1160 euros, bien supérieur au prix de vente moyen de la catégorie mais bien moins cher qu’en achetant deux produits séparés. « En activant audacieusement promotionnellement et en allant chercher des poches de croissance sur des produits innovants, on peut malgré tout continuer à faire progresser les différents marchés » assure-t-elle.
Parmi les principales catégories du GEM, seuls les sèche-linge, qui ont bénéficié de la météo humide, ont progressé, ainsi que les lave-linge. Toutes les autres ont perdu du chiffre d'affaires.
Le froid et la cuisson subissent le plus important recul
L’univers du froid est celui qui a le plus reculé en 2024 : -7,7% en valeur. Aucun équipement n’a échappé à ce sort, ni les réfrigérateurs, ni les congélateurs et encore moins les caves à vin (dont le chiffre d’affaires décroît de 16,3%). Parmi les nombreux facteurs qui ont défavorablement impacté ce secteur, citons la météo peu clémente. L’été n’a pas été très chaud, avec des épisodes caniculaires réduits.
Même constat dans l’univers de la cuisson, qui accuse un recul de 6,3% en valeur. Les tendances sont négatives sur l’ensemble des catégories – fours, micro-ondes, cuisinières ou tables de cuisson - les hottes ayant enregistré le repli le plus important (-13% en valeur).
Le Gifam a fait l’exercice sur plusieurs années, par tranches de deux mois, de mettre en parallèle les ventes de réfrigérateurs avec les températures moyennes. Il est étonnant de constater à quel point les deux courbes se suivent. La météo n'est pas seule responsable du résultat du froid (-7,7%), mais y a fortement contribué.
Le lavage, drivé par les ventes de sèche-linge, progresse légèrement
Le lavage est le seul univers du GEM qui parvient à maintenir un chiffre d’affaires en légère croissance, de 1,3%. C’est aussi la famille la plus importante du GEM, qui représente près de 40% du CA global. Seuls les lave-vaisselle poursuivent leur recul (-1,4% en valeur après un repli déjà l’an dernier de 2,6%). Les lave-linge parviennent à maintenir un chiffre d’affaires stable (+0,3%), ce qui n’est pas négligeable quand on sait qu’ils représentent 21% du CA global du GEM, comme le rappelle Laurent Cours. Ce dernier remarque que ces appareils souffrent moins car ils sont plus soumis au renouvellement et moins dépendants de facteurs extérieurs tels que la météo ou le marché de l’immobilier. Les sèche-linge, eux, renouent avec la croissance, progressant de 13% en valeur. Si la météo a été défavorable aux ventes d’appareils de froid, elle a profité aux sèche-linge. Le déficit d’ensoleillement avéré en 2024 (si on se réfère à l’outil indicateur d’ensoleillement de Météo France) a largement favorisé le boom des ventes de sèche-linge. « Dans l’univers du GEM, les croissances supérieures à 10% sont rares et exceptionnelles. Il y a donc eu un facteur météo très important, conjugué au fait que de plus en plus d’appareils embarquent des équipements tels que des pompes à chaleur (NDLR : +18% en valeur), qui répondent à d’autres attentes comme le fait de consommer moins » explique Laurent Cours.
Une météo humide et un déficit d'ensoleillement ne facilitent pas le séchage du linge - cela a participé à booster les ventes de sèche-linge en 2024. De la même manière, les consommateurs se sont aussi rués sur les déshumidificateurs (qui ont progressé de 63% !).
Prévisions : reprise en fin d’année pour un atterrissage à -1% en valeur
En ce qui concerne les transactions immobilières, auxquelles le marché du GEM est étroitement lié, les taux d’intérêt baissent. Or, les données étudiées par le Gifam et GfK montrent que « historiquement, il a toujours fallu entre 8 et 13 mois entre le début de baisse des taux d’intérêt et le début de hausse de croissance des transactions immobilières ». On est possiblement arrivé à la fin de la période d’attente avant une nouvelle croissance du marché de l’immobilier. Auquel cas, le marché de l’électroménager redémarrera avec un petit décalage, possiblement au second semestre. Les perspectives sont donc meilleures qu’en 2024. Le Gifam et NielsenIQ GfK espèrent une légère reprise de l’encastrable et un léger recul en valeur de la pose libre pour un marché global du GEM qui pourrait terminer l’année 2025 à -1%.