Chaque année, la CLCV publie un observatoire du fonds réparation. Cette étude a été confiée à cette association indépendante des professionnels du secteur de la réparation, des éco-organismes et des pouvoirs publics, pour assurer son objectivité. Le but est de suivre les évolutions du fonds réparation et plus largement du secteur de la réparation. Pour élaborer la troisième édition, un total de 897 024 réparations d’équipements électriques et électroniques (EEE) ont été analysées, réparties sur 7357 points de réparation (sites physiques, techniciens itinérants et sous-traitants à domicile), regroupés au sein de 1250 entreprises qui réparent tout type d’appareils (informatique, télécommunications, petit ou gros électroménager…). Les données, qui proviennent des éco-organismes, concernent une période qui s’étend du 15 décembre 2022 (depuis la création du fonds) au 31 décembre 2024. Mais l'analyse porte principalement sur les données de l'année 2024.
Observatoire du fonds réparation CLCV : priorité à la formation pour absorber la demande croissante
L’association CLCV, Consommation Logement Cadre de Vie, vient de publier la troisième édition de l’observatoire annuel du fonds réparation des équipements électriques et électroniques. Cette étude révèle qu’en 2024, le nombre de réparations a copieusement augmenté et que le prix moyen des interventions s’est stabilisé. Quant au réseau de réparateurs labellisés QualiRépar, malgré sa croissance, il demeure insuffisant. La création d’un « sous-fonds » alloué à la formation, en 2025, devrait permettre d’accroître le nombre de techniciens. L'enveloppe s'élève à 15 millions d'euros sur trois ans.
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Le nombre de réparations en hausse : +294% en un an
Cette étude révèle qu’en 2024, le nombre de réparations a augmenté de manière notable. Par rapport à la précédente édition, 533 673 réparations supplémentaires ont été répertoriées, ce qui représente une hausse de 294% en un an. Les appareils les plus réparés étant les téléphones portables, les lave-linge et les lave-vaisselle. La CLCV souligne que l’explosion des réparations de téléphones mobiles et d’ordinateurs portables constatée entre 2023 et 2024 (respectivement +369% et +603%) est étroitement liée aux évolutions apportées au bonus réparation sur ces catégories d’équipements. Pour rappel, depuis le 1er janvier 2024, la réparation des écrans de smartphones est éligible. Quant au seuil de déclenchement du bonus dans le cas d’une intervention sur un ordinateur portable, il a été abaissé de 180 € à 150 €.
Au contraire, certains équipements sont très peu réparés. Les exemples cités dans l’étude sont ceux des perceuses/visseuses, des défroisseurs à main et des tuners/démodulateurs. La CLCV l’explique par le fait que les contraintes (coût et temps nécessaire pour trouver un réparateur) l’emportent sur les avantages de la réparation.
Dans son rapport, l'association remarque en outre que l’accès au bonus réparation a été grandement élargi puisque la liste des produits éligibles est passée de 51 en 2023 à 75 en 2024. Mais elle souligne à nouveau l’importance d’intégrer dans le réseau de réparateurs labellisés des professionnels compétents pour réparer tout type d’équipements. Elle rappelle que « la diversification des spécialisations » est essentielle (nous y reviendrons).
Un prix moyen des réparations stabilisé
À l’occasion du précédent observatoire, la CLCV avait relevé une augmentation du coût moyen des réparations de l’ordre de 10 à 15% pour les appareils les plus fréquemment réparés - une tendance à la hausse qu'il fallait surveiller. En 2024, l’association a plutôt constaté une stabilisation des tarifs moyens, en admettant qu’elle intervient après une « année marquée par une forte augmentation des prix de la réparation ». Elle attribue aussi cette stabilisation à la maîtrise de l’inflation ainsi qu’à une collecte de données plus nombreuses donc plus « représentatives » et plus « fiables ».
Quelques augmentations des prix moyens d’interventions ont tout de même été constatés, notamment dans le domaine de l’électroménager. Elles sont modérées (de l’ordre de 2 à 3%) pour les lave-linge, lave-vaisselle et fours mais plus importantes pour d’autres catégories (5 à 6% pour les tables de cuisson et sèche-linge). Concernant le cas particulier des téléphones mobiles, le coût moyen des réparations purement liées à un écran cassé est plus élevé que celui d’autres réparations, ce qui selon la CLCV pourrait être lié au prix des pièces nécessaires.
Le nombre de réparateurs labellisés en progrès mais une couverture territoriale toujours pas homogène
En 2023, le réseau de réparateurs labellisés QualiRépar s’était surtout étoffé en début d’année, jusqu’au printemps, avant qu’on constate un ralentissement des demandes de labellisations. La taille du réseau avait augmenté, mais en deçà des attentes pour répondre aux objectifs du bonus. En 2024, la CLCV estime que les objectifs de labellisations ont été atteints. Fin décembre 2024, le réseau QualiRépar comptait 1250 réparateurs labellisés contre 763 en décembre 2023, soit une croissance d’environ 40% en un an. L’étude précise que les 1250 entreprises QualiRépar exercent sur 7357 points de réparation ainsi répartis : 3286 sites physiques, 3955 techniciens itinérants et 116 sous-traitants qui interviennent au domicile des consommateurs. Le bilan met par ailleurs en évidence une prédominance des petites structures (petites entreprises et travailleurs indépendants).
Le suivi mois par mois opéré au sein de l’étude montre un frémissement en février 2024, que la CLCV attribue directement aux mesures mises en place en 2024 pour inciter les réparateurs à se faire labelliser. Mais pour certains, « les contraintes administratives restent un réel frein, ce qui les dissuade de se faire labelliser ».
En moyenne, le réseau compte 72 points de réparation par département. « Bien que le nombre de réparateurs ait augmenté, il reste insuffisant pour répondre à la demande croissante des consommateurs » conclut l’étude.
D’autant que comme constaté en 2023, des disparités géographiques demeurent. Le Nord, la Haute-Garonne et les Hauts-de-Seine sont les moins bien lotis (0,54 point de réparation pour 10 000 habitants dans le Nord). L’accès à la réparation est donc plus compliqué pour les habitants de certains départements. La CLCV pointe cette année encore la faible représentation de professionnels labellisés en Ile-de-France, estimant que cela « soulève des préoccupations quant à la disponibilité de réparateurs labellisés malgré la demande potentielle élevée ».
Enfin, l’étude dresse le même constat qu’en 2023 concernant les spécialisations : la forte représentation des réparateurs dans les domaines des télécommunications, de l’informatique et de l’électroménager demeure et se confirme dans les nouvelles labellisations. Il est plus difficile de trouver des professionnels compétents pour réaliser des interventions sur du gros ou petit outillage ou encore pour réparer un appareil photo.
Bonus réparation : un outil à réadapter pour améliorer son impact
En moyenne, le bonus couvre 23% du coût total de la réparation (bonus moyen de 34 € pour une facture moyenne de 146 € selon les calculs de la CLCV). Mais il y a d’importantes variations selon les catégories d’appareils. Par exemple, le bonus atteint ou dépasse 20% dans le cas des lave-linge, aspirateurs ou téléphones portables. Mais pour d’autres équipements, le montant est inférieur à 20%. La CLCV cite les presse-agrumes au même titre que les fours encastrables et appareils de froid. Dans ces derniers cas, la réparation est moins attractive face à l’achat d’un appareil neuf, ce qui peut être à la fois lié au montant du bonus, mais aussi au prix d’achat neuf peu élevé (l’étude cite le cas des centrifugeuses et presse-agrumes).
L’association rappelle que ce seuil de 20% « correspond à l’objectif initial du bonus réparation ». Elle conseille à la fois d’assouplir les conditions d’accès au fonds (comme pour la prise en compte des réparations d’écrans de smartphones) et d’augmenter le montant du bonus en ciblant certaines catégories – des choix qui ont fait leurs preuves en 2024. En effet, pour tous les équipements qui ont vu leur bonus doubler, une importante hausse des réparations a pu être constatée : « +262 % pour les téléviseurs, +211 % pour les lave-linge, +213 % pour les lave-vaisselle, +221% pour les sèche-linge et +176 % pour les aspirateurs ».
Concernant l’utilisation globale du fonds, la CLCV conclut que « le déploiement financier prévu pour le fonds réparation est loin d’avoir été entièrement mobilisé. En effet, seulement 19% des ressources budgétées pour 2024 ont été utilisées ».
Création d’un sous-fonds destiné à financer la formation
Si la CLCV recommande d’augmenter le bonus sur certaines catégories, une partie de l’enveloppe sera aussi réorientée dès 2025 à destination de la formation. Accélérer la formation de professionnels de la réparation fait en effet partie des enjeux majeurs. L’étude met effectivement en lumière un manque de techniciens qui subsiste malgré les initiatives déjà menées depuis plusieurs années, ce qui a une incidence non seulement sur l’accès à la réparation mais aussi sur les délais d’intervention. Or, outre le montant du bonus qui doit être suffisamment incitatif, l’association a relevé d’autres facteurs qui ont un impact sur la décision de faire réparer. Le délai d’intervention en fait partie, au même titre que la disponibilité des pièces détachées ou encore « l’obsolescence fonctionnelle ».
Dans le cadre du fonds réparation, un « sous-fonds » sera mis en place dès cette année. Une enveloppe plafonnée à 5 millions d’euros sur une période de trois ans (soit 15 millions d’euros au total) pourra donc être allouée au financement de la formation. Le mécanisme n’est pas encore détaillé.
Les recommandations de la CLCV pour faire évoluer le dispositif
À l’issue de ce bilan, la CLCV émet plusieurs recommandations pour faire évoluer le fonds réparation.
- L’ajustement des montants du bonus pour que l’incitation soit suffisante et fasse pencher les consommateurs en faveur de la réparation plutôt que vers l’achat d’un appareil neuf. « Il serait pertinent d'augmenter certains montants du bonus pour rendre la réparation plus économiquement attractive et éviter de franchir le seuil psychologique des 33%, qui représente un taux symbolique incitant à réparer (NDLR : identifié par l’Ademe). En effet, lorsque le ratio « coût de la réparation / prix du produit neuf » excède ce seuil, la plupart des consommateurs sont découragés de réparer leur équipement. »
- En parallèle, garantir que les prix moyens des réparations n’augmentent pas outre mesure. Veiller aussi à ce que la contribution demandée aux fabricants n’engendre pas une « hausse excessive » des prix du neuf.
- Renforcer la communication sur le bonus en diversifiant les campagnes pour toucher un public large et varié. L’association conseille d’y inclure la TV. L’idée : lever les freins économiques d’une part et « comportementaux » de l’autre.
- Pour étoffer le réseau de réparateurs labellisés QualiRépar, la CLCV suggère de simplifier encore l’accès au label pour les artisans et réparateurs et « d’optimiser le processus de remboursement ».
- Enfin, sachant que le budget alloué au fonds est loin d’être utilisé dans sa totalité, la CLCV soutient la réorientation d’une partie des fonds au service de la formation. Il y a toujours un manque de professionnels et il faut en former. « À partir de 2025, un fonds dédié aux formations sera mis en place dans le cadre du fonds réparation. Géré par les éco-organismes, ce fonds cofinancera la formation aux métiers de la réparation, avec une enveloppe annuelle plafonnée à 5 millions d'euros pour une durée de trois ans. Il est essentiel d’accélérer les initiatives de formation pour répondre à l’importante demande dans ce secteur. »