Par Philippe Michel
Mise à jour au 29 mai 2020
Malgré l'offensive médiatique lancée par les confédérations syndicales le week-end du 16 au 17 mai dernier, peu de choses ont évolué durant les deux dernières semaines. Et c'est la piste d'un rachat par But qui est apparue comme une piste plausible, même par la direction de Conforama comme l'a révélé le Parisien dans un article relayant une note interne signée par Marc Ménart, Dg de Conforama. L'option But est évidemment soutenue par toutes les parties, politiques comme financières, avec la volonté de préserver les emplois directement ou indirectement menacés par la défaillance de Conforama. Si beaucoup prennent en exemple la réussite du rachat de Darty par la Fnac, la situation n'est pas la même dans le cas de But et Conforama. Les similitudes entre But et Conforama sont plus nombreuses que ne l'étaient celles entre Fnac et Darty. Et à supposer que Conforama se sauve seul ou adossé à un autre groupe, il faudra redevenir attractifs auprès des consommateurs mais aussi retrouver la confiance des fournisseurs, fébriles devant les incertitudes liées à l'avenir de Conforama, incertitudes qui durent depuis trop de temps maintenant...
Déjà bien affaiblie par les défaillances de sa maison mère Steinhoff et les restructurations qui ont suivi, sans compter l'impact des mouvements sociaux, l'enseigne Conforama est touchée de plein fouet par la crise du Covid 19. Très vite, l'enseigne a tout fermé, site et magasins, empêchant toute rentrée d'argent. Dans ces conditions, l'attribution d'un soutien financier, tel le PGE, devenait alors indispensable. Celui-ci serait d'environ 300 millions d'euros.
Les syndicats au front auprès de l'Etat et des banques
Depuis des semaines Conforama France vivait dans l'attente d'un accord de Prêt Garanti par l'Etat. C'est ce que révèle mercredi 15 mai sur son compte Facebook le syndicat CFDT. Un visiteur demande alors pour quelle raison la presse n'est pas informée, la CFDT répond alors "chaque chose en son temps".
Mais depuis le temps a semble-t-il pressé, et la prise de position via une intersyndicale s'est transformée en un feu nourri de communiqués distincts émanant des principaux syndicats. Et dans leur collimateur, les banques et particulièrement l'une d'entre elles : la BNP Paribas. Dans un communiqué relayé sur Twitter, la CGT mentionne l'absence de celle-ci à la réunion du 15 mai réunissant les représentants de Conforama, mais aussi de l'état, des banques et des créanciers. Et la CGT d'indiquer que "le plan de relance détaillé semblait convenir à tous les protagonistes".
De son côté la CFE CGC mentionne une autre banque, la HSBC, qui n'a pas assisté à la réunion. Le syndicat précise que deux banques sur 4 étaient donc présentes. Et appelle à une mobilisation de ses membres et des employés de Conforama, tout en rappelant que "l'Etat apporte l'aide nécessaire et le soutien nécessaire pour l'instant".
Du côté de FO c'est une réponse directe qui est adressée à la BNP Paribas et une pression très forte puisque liant l'avenir de Conforama à la seule décision de la banque. Voici un extrait de cette lettre "il apparaît clairement, quand on lit entre les lignes, que BNP Paribas s’est désengagée du projet de Conforama lié à l’obtention du Prêt Garanti par l’Etat et qu’elle conditionne un éventuel soutien (qui, rappelons le, ne lui coûterait pas grand-chose puisque l’Etat se porte garant pour 90% dumontant du PGE, les 10% restants étant répartis entre 4 banques), à un «nouveau projet industriel». En se désengageant ainsi sans le dire explicitement, BNP Paribas bloque complètement le projet de PGE et prend en otages l’entreprise Conforama et tous ses salariés."
De son côté, la BNP Paribas a réagi en s'adressant à l'AFP et déclarant : "Bien que BNP Paribas ne soit pas la banque de Conforama France, nous avions néanmoins récemment accepté de participer aux échanges à la demande du CIRI en support de ce dossier en restructuration depuis plusieurs années. Si un nouveau projet industriel et commercial, de long terme et mobilisant les actionnaires actuels ou de nouveaux actionnaires, devait se dessiner, BNP Paribas l'examinerait"
Dès ce lundi 18 mai il faut donc s'attendre à voir Conforama cité à de nombreuses reprises. Les syndicats mettent dans la balance les 9 000 emplois directs mais aussi tous ceux, qu'ils estiment à 20 000, chez les fabricants et fournisseurs de l'enseigne.
Pour le gouvernement, la chute d'une enseigne très connue des Français serait un très mauvais signal envoyé. Mais à priori, l'Etat ferait son maximum dans ce dossier. Cependant, il est tout aussi inquiétant de voir la pérennité de Conforama liée à un banque qui, comme le rappelle celle-ci, n'est pas le partenaire de l'enseigne.
Tout se jouera donc dans les prochaines semaines, avec souhaitons-le un "happy end". Il restera cependant à Conforama la difficile tache de se réinventer et de se faire une place dans un paysage de la distribution totalement ébranlé par la crise du Covid-19.
A moins que But se porte acquéreur de Conforama, en maintenant les deux enseignes. Une piste connue depuis un certain temps mais que le Parisien semble dévoiler comme étant sérieuse dans un article paru ce dimanche. Cité par le quotidien, à qui il avait déjà révélé ses intentions concernant le rachat de son concurrent, le Pdg de But, Alexandre Falck, ne nie pas l'intérêt à court terme. Il indique vouloir conserver l'emploi, les deux enseignes, mais n'est pas vraiment clair dans ses propos. En revanche, le quotidien cite comme fiable l'intention des actionnaires de But de vouloir mettre entre 200 et 300 millions d'euros pour renflouer Conforama.