Ces travaux de l’Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) ont été récemment rendus publics dans le cadre de la mise en œuvre de la loi sur l’Économie Circulaire*, dont les premiers éléments ont été présentés en novembre dernier lors du lancement de la Campagne « Nos objets ont plein d’avenirs ». Selon l’agence, les travaux ont porté sur trois types d’allongement de la durée d’usage : conserver un an de plus un équipement qui atteint sa « durée d’usage moyenne » **, lutter contre l’obsolescence culturelle ou marketing en conservant un équipement plutôt que de l’abandonner ou de le changer, et faire réparer un équipement (suite à une panne, ou endommagé) pour prolonger sa durée d’usage.
Mais avant de détailler ces trois points, il est intéressant de constater que l’Ademe n’utilise pas le terme d’obsolescence programmée mais lui préfère celui d’obsolescence culturelle, voire d’obsolescence perçue. Des nuances qui semblent plus positives et réalistes, notamment en ce qui concerne l’électroménager. Il s’agit donc ici de « mauvaises habitudes » qu’auraient les consommateurs, en ne se posant pas la question de la réparation ou tout simplement pour disposer d’un appareil plus récent.
Voici donc les analyses de l’Ademe…
Allonger la durée d’usage totale des équipements du foyer : des bénéfices environnementaux et économiques pour le consommateur
Dans son étude portant sur plusieurs équipements et biens de consommation courante (téléviseur, ordinateur portable, smartphone, four électrique, lave-vaisselle, lave-linge...), l’ADEME révèle qu’il est toujours économiquement favorable pour le consommateur de :
Ne pas remplacer un équipement pour des raisons d’obsolescence perçue, c’est-à-dire une volonté de changer par l’utilisateur alors que l’équipement fonctionne toujours (allongement sans réparation) : dans ce cadre, cela permet une économie de 112€/an pour un ordinateur portable, 96€/an pour un smartphone 5,5’’ et 169€/an pour un robot tondeuse.
Allonger la durée d’usage après une panne ***, à l’exception de quelques équipements (par exemple le sèche-linge à évacuation ou la télévision 30- 40 pouces) : réparer une tondeuse thermique qui tombe en panne à l’âge de 5 ans (soit à « demi-vie ») permet une économie de 86 €/an, soit une économie totale de 430 € pendant sa durée d’allongement (5 ans). Par ailleurs, allonger la durée d’usage des produits ne permet pas seulement de réaliser des économies d’ordre financier, cela permet également de réaliser des économies de CO2 grâce aux impacts évités pour la fabrication d’un produit neuf. A titre d’exemples : En faisant réparer ses équipements :
Faire réparer une télévision (40-49’’) qui est tombée en panne à demi-vie permet de réaliser une économie de 90 kg CO2-eq, soit l’équivalent de 350 kilomètres en voiture.
Pour un lave-linge, l’économie réalisée est de 100 kg CO2-eq soit 390 kilomètres. En ne cédant pas à l’envie de changement ou aux effets de mode :
Conserver son téléviseur 40-49’’ (qui fonctionne encore !) permet un gain de 170 kg CO2-eq, soit 670 kilomètres en voiture.
Pour un smartphone 5,5’, les gains sont et de 20 kg CO2-eq, soit 70 kilomètres en voiture.
Extrapolation à l’échelle d’un foyer français
L’Ademe analyse les potentiels impacts environnementaux et économiques de l’allongement de la durée d’usage de 11 équipements électriques et électroniques présents dans la maison (multimédia, électroménager) :
Si chaque foyer français allonge d’un an la durée d’usage totale de chacun des 11 produits étudiés, au lieu de les remplacer, sur une période de 10 ans, chacun des foyers pourrait économiser 963 € soit 96€ par an et contribuer à éviter l’émission d’environ 219 Kg de CO2-eq sur une période de 10 ans, soit 22 Kg de CO2-eq par an.
Si l’ensemble des foyers français faisaient de même, ils pourraient :
Economiser environ 27 milliards d’euros pour un allongement de 1 an sur la période de 10 ans, soit 2,7 milliards d’€ par an ;
Eviter l’émission d’environ 6 millions de tonnes de CO2-eq pour un allongement de 1 an sur une période de 10 ans, soit 0,6 millions de tonnes de CO2-eq par an.
Lutter contre l’obsolescence culturelle et systématiser la réparation
L’économie réalisée tient compte également des consommations d’eau et d’énergie de ces équipements. *** Il est à noter que l’avantage ou le désavantage économique lié au remplacement d’un équipement suite à une panne dépend fortement : du coût de réparation (des pistes de réflexion pour rendre le coût de réparation moins onéreux ont été identifiés dans l’étude ADEME « Les Français et la réparation ») et du moment auquel arrive la panne. De plus, l’ampleur du bénéfice dépend de la durée de l’allongement de la durée d’usage. Plus celle-ci est longue plus le bénéfice est grand.
Entretenir ses équipements, les réparer ou les faire réparer, conserver et utiliser plus longtemps des appareils qui fonctionnent encore (en évitant les effets de mode) ... mais aussi fabriquer des produits éco-conçus, plus robustes, plus facilement réparables, concourt à réduire les consommations de matières nécessaires à leur fabrication et les émissions de gaz à effet de serre.
Il est constaté que 14% des Français remplaceraient leur équipement alors qu’il fonctionne encore. Lutter contre l’obsolescence culturelle est donc un élément clé pour réduire notre impact environnemental. Il est également indispensable d’assurer le bon entretien des produits pour éviter un renouvellement trop fréquent des équipements. A titre d’exemple, le baromètre Fnac-Darty a ainsi révélé que 50% des retours SAV sont liés à un mauvais entretien ou une mauvaise utilisation.
La réparation est aussi essentielle pour permettre aux objets de vivre plus longtemps et ainsi réduire l’impact environnemental causé par la fabrication et le transport d’équipements neufs
Les Français ont progressivement intégré ce réflexe dans leur conception de la consommation : 81% d’entre eux ont une image positive de la réparation. En revanche, le passage à l’action reste encore assez faible pour l’ensemble de la population française : seulement environ un Français sur trois répare un produit tombé en panne et un sur deux le remplace. Aujourd’hui, les freins à la réparation demeurent nombreux : le coût de la réparation par rapport au prix du produit neuf, les délais de réparation, le manque d’informations sur la réparation et le manque de visibilité des réparateurs.
Parallèlement à ces différents freins, les Français perçoivent plusieurs bonnes raisons à faire réparer leurs appareils : la démarche écologique, l’avantage économique, la contribution à l’économie locale. Pour limiter les freins et favoriser le passage à l’action, la réparation, un des piliers de l’économie circulaire, doit gagner en visibilité grâce à plusieurs actions : en agissant sur le coût, en facilitant les étapes de réparation, en rassurant sur la qualité des prestations et en montrant davantage la pertinence de la réparation.
* La Loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire transpose dans le droit français les mesures de la feuille de route de l'économie circulaire et les derniers textes européens. Cette loi entend accélérer le changement des modèles de production et de consommation afin de réduire les déchets et préserver les ressources naturelles, la biodiversité et le climat.
** Définition : La durée d’usage correspond au laps de temps pendant lequel le produit est utilisé, i.e. en état de marche et prêt à l’emploi, par un utilisateur donné. Elle est propre à un utilisateur/foyer. La durée d’usage totale est la somme des durées d’usage
*** Il est à noter que l’avantage ou le désavantage économique lié au remplacement d’un équipement suite à une panne dépend fortement : du coût de réparation (des pistes de réflexion pour rendre le coût de réparation moins onéreux ont été identifiés dans l’étude ADEME « Les Français et la réparation ») et du moment auquel arrive la panne. De plus, l’ampleur du bénéfice dépend de la durée de l’allongement de la durée d’usage. Plus celle-ci est longue plus le bénéfice est grand.