le 5 janvier 2021
, par Alexandra Bellamyhttps://www.linkedin.com/company/neomag/
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La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (loi AGEC) du 10 février 2020 comporte un arsenal de mesures pour limiter le gaspillage et encourager les Français à privilégier la réparation de leurs appareils électriques et électroniques. L’article 16 de cette loi prévoit la mise en place d’un indice de réparabilité, dont l’affichage est en théorie obligatoire depuis le 1er janvier 2021. Il sera déployé progressivement pendant toute l’année 2021, pour cinq catégories d’appareils « pilotes ».
Un indice qui concerne 5 catégories d’appareils
L’indice de réparabilité est le fruit d’un travail de concertation mené pendant plusieurs années par des ONG, des associations environnementales et de consommateurs, des fabricants (notamment représentés par le Gifam), des distributeurs, des acteurs du secteur de la réparation, ainsi que l’Ademe (Agence de la transition écologique)…
Si la loi a pour ambition de voir cet indice s’étendre à la majorité des appareils électriques et électroniques du marché (comme l’étiquette énergie), dans un premier temps, il s’applique à cinq catégories d’appareils « pilotes » :
- les lave-linge à hublot,
- les ordinateurs portables,
- les smartphones,
- les téléviseurs
- les tondeuses à gazon (modèles filaires, à batteries et robotisés).
Ce sont 5 catégories qui ont été choisies comme pilotes pour 2021. Pour l'électroménager, seul le lave-linge hublot a été retenu.
Une note sur 10 calculée par les fabricants selon 5 critères
L’indice se présente sous la forme d’une note sur 10, accompagnée d’un visuel dédié. Selon la note, le pictogramme peut adopter différentes couleurs : vert foncé, vert clair, jaune, orange ou rouge. Selon le même principe que l’étiquette énergie, plus la note est vertueuse (proche de 10/10), plus l’étiquetage se rapproche du vert foncé. Au contraire, plus la note est mauvaise, moins l’appareil est réparable, plus son indice tend vers le rouge.
Comme l’étiquette énergie, l’indice de réparabilité est calculé par les fabricants, grâce à des feuilles de calcul mises à leur disposition. Ils doivent fournir cet indice aux distributeurs et vendeurs, qui ont la charge de le faire connaître au consommateur, « sans frais, au moment de l’acte d’achat » précise la loi, « par voie de marquage, d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre procédé approprié ».
Quelle que soit la catégorie d’appareil, l’indice est calculé selon 5 critères dont certains sont divisés en sous-critères.
• Critère 1 : la disponibilité de la documentation technique.
Ce critère tient compte de la durée de disponibilité des documents techniques et fournissant des conseils d’usage et d’entretien.
• Critère 2 : la démontabilité de l’appareil.
Il se divise en trois sous-critères : la facilité de démontage des pièces les plus souvent sujettes à des pannes ou à la casse, les outils nécessaires au démontage (qui doivent idéalement être « universels ») et les caractéristiques de fixation des pièces (le vissage doit notamment être privilégié au collage, ce qui facilite le démontage).
• Critère 3 : la disponibilité des pièces détachées.
Ce critère compte quatre sous-critères : la durée de disponibilité des pièces les plus enclines à casser ou tomber en panne (qui doit naturellement être la plus longue possible), la durée de disponibilité des pièces secondaires puis le délai de livraison de ces éléments (pièces principales puis pièces secondaires).
• Critère 4 : le prix des pièces détachées.
Ce critère consiste à calculer un ratio du prix des pièces détachées (celles les plus sujettes aux casses et pannes) sur le prix de l’appareil neuf (sur la base du prix public indicatif). En effet, pour encourager la réparation, le prix des pièces ne doit pas être trop élevé par rapport au prix d’achat de l’équipement.
• Critère 5 : spécifique à chaque catégorie d’appareil
Il est divisé en trois sous-critères. Dans le cas des lave-linge, sont encouragés un compteur d’usage visible de l’utilisateur, la possibilité d’assistance à distance et de réinitialisation logicielle.
Chaque critère donne lieu à une note sur 20, qui débouche sur une note totale sur 100. Elle est rapportée sur 10 pour calculer l’indice de réparabilité. Précisons que certains sous-critères ont plus de poids que d’autres (par exemple, la facilité de démontage avec un coefficient de 1 compte plus dans la note de démontabilité que les outils nécessaires, avec un coefficient de 0,5). Mais au final, chacun des cinq critères a la même importance (avec un coefficient total de 2 et une note globale sur 20).
Le cinquième critère est le plus ardu à appréhender et à définir mais il permet de tenir compte des différences évidentes qui existent entre une tondeuse à gazon et un smartphone.
Appliqué à tous les appareils vendus en France
Alors que l’étiquette énergie (dont la nouvelle version sera affichée en magasin à compter du 1er mars 2021) découle d’une loi européenne, l’indice de réparabilité, lui, est un outil 100% français. Son affichage étant lui aussi obligatoire, il vient compléter l’étiquette énergie pour fournir des informations complémentaires. Son but : communiquer une information claire et objective aux consommateurs pour leur permettre de porter leur choix sur des produits faciles à réparer.
En effet, pour rappel, l’une des motivations de la loi AGEC consiste à allonger la durée de vie des produits pour préserver les ressources. L’un des pans de cette loi vise à encourager la réparation (mieux renseigner sur la durée de disponibilité des pièces détachées, créer un fonds réparation, étendre la garantie en cas de réparation…). Mais il est également important que les appareils soient réparables (qu’ils puissent être démontés, que les pièces détachées soient disponibles…) – d’où la création de cet indice.
Ce nouvel outil devra être visible des consommateurs lorsqu’ils achètent l’un des appareils concernés. L’affichage de l’indice est obligatoire dans les magasins ou en ligne, y compris sur les marketplaces, quelle que soit la provenance des appareils dès lors qu’ils sont vendus en France. En effet, la loi oblige aussi bien les « producteurs » que les « importateurs » à fournir aux « vendeurs » l’indice de réparabilité, ainsi que les paramètres ayant permis de l'établir. Car le consommateur peut en faire la demande au vendeur, de manière à prendre connaissance des notes détaillées.
Certains ont pris les devants pour informer les consommateurs, notamment le spécialiste de l’autoréparation Spareka (qui avait d’ailleurs élaboré selon ses critères son propre indice de réparabilité des lave-linge dès 2018). Spareka a créé un site dédié (indicereparabilite.fr) sur lequel il recense toutes les informations liées à l’indice de réparabilité ainsi que les indices calculés par les fabricants.
C'est Spareka qui a opportunément déposé le nom de domaine indicedereparabilite.fr pour en faire un site assez complet. On voit des accès à des produits classifiés, comme ici les lave-linge de Samsung ou de Miele. La marque allemande et premium a d'ailleurs très vite communiqué sur l'indice de réparabilité en déclarant notamment : "Miele s’inscrit en force dans la mise en place de ces nouvelles bonnes pratiques pour l’électroménager qui contribuent à répondre aux enjeux nécessaires à la mise en place d’un système économique écologiquement vertueux."
Déploiement progressif pendant l’année 2021
En théorie, la loi prévoit un affichage obligatoire de l’indice de réparabilité à partir du 1er janvier 2021. Mais des feuilles de calcul temporaires ont été fournies aux fabricants peu de temps avant la mise en place de l’indice. Quant au décret qui fixe plus précisément les termes et le contenu de l’indice de réparabilité, il a été publié tardivement, le 29 décembre 2020.
Concrètement, l’indice sera donc déployé tout au long de l’année 2021. D’ailleurs, les premières sanctions (pour un défaut d’affichage ou une erreur de calcul de l’indice) n’interviendront qu’à partir du 1er janvier 2022. Ce qui laisse le temps aux fabricants de calculer les indices de leurs appareils et aux distributeurs de gérer leur affichage.
Quelques jours après l’entrée en vigueur officielle, nous avons fait un tour sur quelques sites de vente en ligne pour nous rendre compte sans surprise que la présence de l’indice se fait plutôt rare pour l’instant.
Une aide au choix, mais aussi un argument de vente
Comme l’étiquette énergie, désormais bien connue des consommateurs, l’indice de réparabilité se veut un outil d’aide au choix lors d’un achat. Mais si les consommateurs Français l’adoptent, cet indice pourra aussi devenir un argument de vente pour les fabricants qui « jouent le jeu » et même éventuellement leur fournir une base de réflexion au moment de la conception pour améliorer la réparabilité de leurs produits. Enfin, pour les vendeurs, au même titre que l’étiquette énergie, cet indice peut également constituer un argument de vente ou de différenciation entre deux appareils semblables par leurs caractéristiques.
Par ailleurs, si l’indice doit être communiqué lors de l’achat d’un équipement neuf comme le précise le décret, il pourrait également avoir un rôle à jouer sur le marché des appareils d’occasion. Nous pensons par exemple au compteur de cycle des lave-linge (une caractéristique qui pourrait se développer puisqu’elle augmente la note de l’indice) qui fournirait une information précieuse lors de l’achat d’un appareil de seconde main.
De même, le décret du 29 décembre 2020 précise que l’indice doit pouvoir être communiqué par « les producteurs ou importateurs, dans un délai de quinze jours, à toute personne qui en fait la demande pendant une période d'au minimum deux ans après la mise sur le marché de la dernière unité d'un modèle d'équipement ». Ce qui pourrait encore profiter au marché de l’occasion.
Cap sur l’indice de durabilité pour 2024
La loi AGEC prévoit d’ores et déjà une évolution de l’indice de réparabilité. À partir du 1er janvier 2024, il cédera sa place à un indice de durabilité, beaucoup plus large. Ce dernier englobera les critères de l’indice de réparabilité, qui seront complétés par d’autres critères qui restent à définir (par exemple la fiabilité, la durée de vie ou d’utilisation…).