Après avoir été bloqués au cours des deux périodes de confinement en 2020 dans leurs foyers, les Français ont vu leur intérêt pour leur habitat renforcé par la crise sanitaire. A commencer par la cuisine… Le marché déjà très dynamique depuis plusieurs années, a résisté en dépit de trois mois de fermeture d’usines et de magasins.
Selon les chiffres que vient de dévoiler l’IPEA, en 2020, le marché du meuble de cuisine a affiché une contraction de - 2,9 % versus - 4,8% pour le marché total du meuble en France. La baisse est même légèrement moindre pour les spécialistes qui enregistrent - 2.1 pour 2020. Le bilan de 2020 serait au final égal à 2019, selon les réseaux de grands cuisinistes interrogés.
Pour Laurent Marguerettaz, directeur de la distribution du groupe Fournier, « 2020 fut finalement une très bonne année puisque nous affichons le même CA que 2019, en dépit de 3 mois de fermeture des magasins. Nous avons en effet enregistré un boom des ventes à la suite des deux confinements avec des mois de mai, juin et juillet de folie en magasin et un mois de décembre record, jamais enregistré dans l’histoire du groupe. Il y a donc eu un énorme effet de ventes décalées.».
Un bilan semblable pour Schmidt Groupe annoncé par Thierry Sybord, directeur commercial du groupe avec un chiffre d’affaires de même égal à celui de 2019 avec une très forte progression à deux chiffres en commande signées.
FBD avec ses enseignes Ixina, Cuisine Plus, Cuisines Références et VandenBorre Kitchen annonce avoir réalisé en 2020, un chiffre d’affaires de 714 M€ soit une croissance de 5% sur l’ensemble du groupe.
Cuisines Design Industries avec ses deux marques Arthur Bonnet et Comera se félicite d’avoir préservé ses positions et résisté avec un chiffre d’affaires commandé en retrait de -4% porté par la croissance de Comera.
Cuisine : les enseignes spécialisées résistent et anticipent un marché 2021 très dynamique
Après avoir reculé de 2,9% l'an dernier, le marché du meuble de cuisine pourrait croitre de 3% à 5% en 2021. Avec un chiffre d’affaires de 3,5 milliards d’euros, il pèse aujourd'hui 27,5 % du marché total du meuble en France. Taux d'épargne, télétravail, digitalisation, résidences secondaires... les grandes enseignes de cuisinistes anticipent également un marché très bien orienté. Selon nos entretiens avec les directions des groupes leaders du secteur (Fournier, Schmidt, FBD, Darty, Cuisines Design Industries), plus de 200 nouveaux magasins ouvriront en 2021. Seules ombres au tableau : les tensions au niveau des approvisionnements et des recrutements.
La digitalisation accrue a permis de mieux gérer le second confinement
L’année 2020 fut donc marquée par une activité en dents de scie. Les deux premiers mois confirmaient les projections des cuisinistes d’un marché en pleine croissance. Thierry Sybord, directeur commercial du Schmidt Groupe résume ainsi ces « stop and go » caractérisant cette année particulière. « Nos objectifs initiaux pour l’année 2020 étaient basés sur une croissance de 10%. Dans les faits, les performances se sont établies en 3 temps. De janvier jusqu’au 17 mars, nous avons obtenu des chiffres très significatifs. Le premier confinement était illustré bien sûr par une très forte baisse avec pour seule activité, le traitement des projets au préalable initiés. Nous en avons donc profité pour préparer l’après-confinement, à commencer par la gestion des dossiers et la mise en œuvre de relations clients très fortes appuyées par une montée en puissance de la digitalisation des enseignes. Le 3e temps, débuté par la réouverture des magasins et des usines a été caractérisé par une croissance très impressionnante de la production comme des activités des enseignes »
Le deuxième mois de confinement en novembre a été limité à la fermeture des enseignes, les usines restant ouvertes et les magasins travaillant en back office Ce second confinement plus restreint a eu un impact moindre car, comme le note Christophe Gazel, « les spécialistes se sont mieux adaptés lors du 2e confinement avec une digitalisation accrue ». La reprise fut de même très rapide à l’instar du premier déconfinement du printemps avec un mois de décembre particulièrement actif. Après avoir été fermées pendant deux mois au printemps alors que l’Allemagne maintenait les activités industrielles, la production des usines françaises d’ameublement a été rapidement accrue avec des volumes record, pour rattraper le retard.
Les cuisinistes ont aussi dû faire face aux ruptures de stock chez les électroménagistes avec notamment, la pénurie de certaines lignes de produit, que ce soit le lave-vaisselle et le froid. En collaboration avec les grands groupes d’électroménager, les centrales et les magasins ont ainsi du parfois s’orienter vers des produits de substitution voire parfois proposer au client final de conserver leur ancien équipement en attendant l’approvisionnement. Ces tensions ont été également constatés sur des produits telles les fournitures.
Autre handicap auquel certains magasins ont été confrontés, le manque de poseurs disponibles. Les enseignes bien organisées ont pu s’appuyer sur leur réseau de poseur mais un certain nombre d’artisans indépendants en autoentrepreneurs ont fait faillite. D’où la nécessité, d’ailleurs notifiée par Christophe Gazel, d’une sécurisation du statut de poseur. Au final, le bilan, quasi semblable à l’année 2019 pour les réseaux, illustre l’envie marquée des consommateurs d’une cuisine intégrée mais aussi la digitalisation accrue des enseignes (Prise de RV en ligne, configurateur, paiement électronique, etc..) sans compter la capacité des outils de production à rattraper le retard.
Des évolutions de profils d’acheteur au second semestre ?
Le marché de la cuisine équipée devrait poursuivre sa dynamique en 2021. Selon les prévisions de l’IPEA, la tendance est orientée vers une croissance de 3 à 5% du marché de la cuisine. Le début d’année marqué par un passage à l’acte moindre devrait être suivi d’une réaccélération dès le mois de mars. Une situation perçue de manière différenciée selon les groupes interrogés. Ainsi, l’activité du début d’année « s’est poursuivie de façon très active » indique le groupe Fournier.
Selon l’évolution de la situation sanitaire et la possibilité de vacances, cet été, les Français pourraient effectuer un arbitrage en faveur des loisirs et dès lors mettre en pause leurs projets pour leur habitat d’où un potentielle modification de saisonnalité des ventes selon Christophe Gazel. « La rentrée 2021 pourrait par ailleurs être mitigée avec un début de crise économique et un taux de chômage en hausse. Nous allons donc constater ainsi des évolutions de profils d’acheteur au second semestre 2021 selon le choix porté de nouveau en faveur d’épargne ou a contrario de réinvestissement sur des projets de la maison, valeur refuge. »
Essor de la rénovation des cuisines dans les résidences secondaires
Autre tendance contribuant au dynamisme du marché, le souhait de plus en plus exprimé de la part des propriétaires de résidences secondaires d’y installer une vraie cuisine fonctionnelle. Selon Thierry Sybord, « nous constatons en effet la réappropriation par les propriétaires de leur maison secondaire avec des cuisines intégrées, notamment sur le réseau en province ». « Le constat est d’ailleurs déjà le même pour le secteur de la literie », souligne Christophe Gazel. Ce dernier note cependant en ce qui concerne les résidences principales, le problème de construction de maisons individuelles de par une pénurie de terrains, les appartements offrant moins de potentiel pour le développement de cuisine intégrée en France.
Reste que le marché est bien orienté, 6,5 % de français exprimant une intention d’achat de cuisine intégré en 2021, alors qu’environ 3 à 4 % des français achètent une cuisine intégrée chaque année. En témoignent d’ailleurs les objectifs annoncés des groupes interrogés tel Schmidt Groupe avec plus de 15% de croissance globale toute activité confondue dans le viseur. Pour le groupe Fournier, Laurent Marguerettaz constate déjà pour janvier et février une croissance déjà supérieure aux périodes équivalentes de 2020. « Il est clair que la demande tire le marché mais il est cependant difficile à dresser des perspectives au vu du contexte actuel ».
Développement du parc et des ouvertures des franchises Cuisine
De facto, le parc de magasins de cuisine devrait prendre de l’ampleur. Pour Christophe Gazel, plus de 200 points de vente devraient être créés en France alors que déjà environ 1 500 points de vente sont présents sur le territoire. Ce développement du parc et des ouvertures de franchise cuisine est confirmé par les projections des enseignes interrogées.
Le groupe Fournier annonce ainsi 35 ouvertures en France et 5 à l’international tout en ayant prévu d’accroître ses budgets de communication. Le groupe WM88 venant confier la responsabilité du développement de la marque en franchise de Hygena au groupe Fournier, les objectifs du déploiement sur le territoire pourraient également être dévoilés lors de la conférence prévue à l’occasion du prochain Salon de la Franchise en septembre sachant que Hygena avait d’ores et déjà annoncé en octobre dernier la volonté d’ouvrir 30 magasins.
Du côté de Schmidt groupe, le développement sera plutôt axé sur la marque Schmidt mais au total, sont annoncés 30 magasins pour 2021.
Darty Cuisine, sans rentrer dans le détail, estime que 2021 sera une année record en nombre de projets Darty Cuisine et annonce d’ailleurs sa présence aux prochains salons tel le Sadecc, le Salon de la Franchise et Esprit Meuble. Le développement du nombre de magasins de cuisine doit répondre aux attentes des consommateurs, de proximité, de services, de budget selon les informations transmises par écrit.
Affichant pour mot d’ordre, l’expansion pour toutes les enseignes du groupe, FBD annonce une batterie d’ouvertures de magasin pour chacune d’entre elles, dont 12 chez Cuisine Plus, 18 pour Cuisines Références tandis que la marque Ixina vise 240 magasins dans les années à venir, la marque ayant ouvert 12 magasins l’an dernier.
Un besoin accru de recrutement de magasins et de personnel
L’expansion du parc de cuisinistes en France pose la question du recrutement tout à la fois de concepteur vendeurs mais aussi de franchiseurs. Alors que les cuisinistes sont d’ores et déjà confrontés à un manque de personnel, Christophe Gazel note sur ce point que la vague de fermeture de magasins d’habillement peut fournir potentiellement de nouveaux profils de vendeurs qu’il faudra former. De même, les cadres licenciés au cours des plans sociaux qui se profilent seraient susceptibles de se lancer dans la franchise sur un secteur bien orienté.
Vers une nouvelle répartition entre meublant et électroménager ?
Outre la capacité des spécialistes à recruter des concepteurs vendeurs, « les problèmes encore présents d’approvisionnement en matière électroménager pourraient nous freiner » souligne Thierry Sybord. L’évolution des comportements des consommateurs en faveur du bien manger et des circuits courts devrait d’ailleurs avoir un impact sur la répartition entre électroménager et meublant, la part du gros et petit électroménager s’accroissant et prenant plus de place en cuisine avec de nouvelles configurations à venir de la pièce. Pour Christophe Gazel, « On pourrait constater de nouvelles demandes à terme de solutions de froid à température intermédiaire tels ces armoires réfrigérées par exemple, déjà très développées en Allemagne afin de conserver fruits et légumes mais aussi des plantations potager directement intégrés dans la cuisine. On a constaté déjà en 2020 l’accroissement de produits intermédiaires tels les caves à vin. Cette clé de répartition électroménager et meublant devrait avoir un impact à terme sur des solutions de cuisine avec couplage meuble et électro ».
En 2020, avec les confinements à domicile forcés, les ménages français ont porté un nouveaux regard sur la pièce cuisine dans leur vie au quotidien. En 2021, le développement durable du télétravail, l'évolution du marché de l'immobilier devraient à nouveau avoir un impact profond sur le marché.
Quand le développement du télétravail offre de nouvelles opportunités pour l’activité d’agencement
La crise sanitaire a confirmé d’autres tendances du marché, à savoir l’agencement de la maison qui prenait déjà de l’ampleur auprès des grandes enseignes spécialisées. Le besoin d’optimisation de l’espace et de modularité, dues entres autre au développement du télétravail, devrait développer les projets rangements. Ainsi, 7,2 % intentions d’achat projet dressing sont annoncés par l’IPEA. Pour Christophe Gazel, « seuls 2% des français télétravaillent dans la cuisine, espace compliqué de par le bruit et l’occupation par d’autres membres du foyer. La logique d’agencement est donc un vrai potentiel pour les cuisinistes ». Pour Schmidt Groupe, l’agencement représente10 à 15% du CA net de CA mais est en croissance forte avec pour objectif en 2021, une croissance de 30% sur l’activité rangement alors que le groupe vise plus de 15% de croissance globale tout activité confondue. Même son de cloche du côté du groupe Fournier. « la part de l’agencement était encore inférieur à 10% du CA en 2020 mais c’est une activité en forte croissance» note Laurent Marguerettaz. « La recherche d’optimisation d’espace demande en effet un agencement sur mesure ». Même écho du côté de Cuisines Références qui annonce poursuivre le développement de son offre full service avec un grand choix d’aménagement sur-mesure pour la cuisine mais aussi pour la pièce de vie, le dressing, la salle de bain ou la buanderie
De l’investissement en cuisine intégrée à la recherche de nouvelles solutions en matière d’électroménager en passant par l’optimisation de l’espace, ce sont autant de demandes conso déjà prégnantes mais boostées par la crise sanitaire. A la clé des potentiels leviers de croissance pour les spécialistes sur un marché tiré par le haut.