La profession a besoin de former 300 à 500 nouveaux techniciens électroménager par an
La filière technique des centres de formation ne voit pas son activité diminuée par la crise sanitaire. Bien au contraire... Plus que jamais, les métiers de réparateurs sont à l’honneur, en particulier dans le domaine de l’électroménager. Avec la loi Anti-Gaspillage et pour l’Economie Circulaire (AGEC), la demande de techniciens en électroménager explose. Les centres de formation, à l’image du Réseau Ducretet, se mobilisent pour former davantage de nouveaux techniciens. Toutes les explications avec Jean-Pierre Gaubert, Directeur du Réseau Ducretet.
Neomag. Depuis une quinzaine d’années, certains acteurs de la distribution se sont désengagés du SAV. Aujourd’hui, la tendance s’inverse avec des demandes de réparation qui explosent. Comment expliquez-vous ce phénomène et d’où proviennent ces demandes ?
Jean-Pierre Gaubert. Il y a principalement 2 raisons. Tout d’abord l’effet « confinement » et des consommateurs qui ont davantage utilisé leurs produits électroménagers à la maison. Cela a généré des interventions supplémentaires. Mais cette période a également été propice à une prise de conscience collective pour une consommation plus responsable, produits techniques inclus.
Second constat : la loi AGEC a vu son premier effet concret avec la mise en place de l’indice de réparabilité sur les premières familles pilotes, amorçant ainsi une tendance de fond des consommateurs à « Réparer pour faire durer ». D’autres familles de produits seront rapidement concernées et la mise en place du fond de réparation, ainsi que l’indice de durabilité viendront ensuite compléter et favoriser de manière pérenne le réflexe de réparation.
Nous sommes dans un contexte très favorable que je qualifierais de jamais vu. Mais nous constatons aujourd’hui une importante pénurie de techniciens en électroménager sur le marché. Les demandes de techniciens nous viennent de toutes parts. Qu’il s’agisse de la distribution spécialisée à l’image de Fnac-Darty, des réseaux longs mais aussi des plateformes comme Solvarea, ou encore des stations techniques des constructeurs pour n’en citer que quelques-uns. Au regard des différents appels que nous recevons, nous avons estimé le besoin à environ 300 à 500 techniciens par an sur 2021 et 2022. C’est pourquoi le Réseau Ducretet se mobilise aujourd’hui pour accompagner les entreprises, avec une solution clé en main destinée à favoriser l’embauche d’apprentis.
Compte-tenu des difficultés pour recruter, quel est concrètement, le bon remède pour les entreprises ?
Les entreprises rencontrent des difficultés pour recruter alors que des aides financières sont disponibles pour favoriser l’emploi des jeunes ; un accompagnement est donc nécessaire pour construire le binôme gagnant « jeune + entreprise » qui permettra de répondre aux enjeux des métiers de la réparation.
Nous avons décidé de mettre en place une série d’outils pour accompagner les entreprises et allons très prochainement leur proposer des webinaires explicatifs. Il s’agira en quelque sorte de « modes d’emploi » pour expliquer que le Réseau Ducretet se mobilise pour les aider au recrutement de leur futurs techniciens électroménager.
Nous allons notamment rappeler un point essentiel qu’est la reconduction jusqu’à fin 2021 de l’aide de 8 000 € à l’embauche d’un apprenti majeur de 18 à 29 ans pour 1 an. Une première idée est de leur suggérer d’utiliser cette aide, par exemple en facilitant le déplacement des apprentis lorsque le centre de formation est éloigné géographiquement de l’entreprise. Pour le recrutement, ce sont des annonces types ainsi que les sites de recrutement que nous préconiserons et nous proposerons une validation des candidatures en concertation avec le CFA.
Vous évoquiez l’aspect géographique qui peut être un frein pour les entreprises. Que leur répondez-vous ?
Aujourd’hui, nous constatons que de nombreux jeunes sont tout à fait mobiles et prêts à se déplacer lorsqu’il s’agit de se former pour un métier qui a du sens ! Le Réseau Ducretet dispose aujourd’hui de 8 centres de formation dédiés aux techniciens électroménager répartis sur toute la France dont 1 situé à La Réunion et nous allons augmenter leur capacité d’accueil en créant des groupes supplémentaires dès cette année.
Nous avons également prévu d’ouvrir des centres annexes, au format d’Unités de Formation en Apprentissage (UFA) qui permettront de former davantage d’apprentis et de mailler le territoire de façon plus complète. En parallèle nous n’oublions pas le recrutement de nouveaux formateurs et bien que des modules de formation sur les fondamentaux du métier soient disponibles en e-learning, nous donnerons priorité à la formation en présentiel indispensable à l’apprentissage des gestes techniques et spécifiques du métier.
Réparateur, acteur de l’environnement : c’est un message pour inviter des jeunes à se tourner vers le métier de technicien en électroménager ?
Notre message à destination des jeunes est que « le réparateur est désormais un acteur de l’environnement ». Les Millennials souhaitent donner du sens à leur avenir professionnel et beaucoup d’entre eux sont réceptifs à ce message ! Voilà de quoi rassurer de nombreuses entreprises, car les jeunes générations, parité incluse, sont plutôt motivées pour rejoindre les métiers de la réparation.
Certains centres de formation proposent des formations « express » qui permettent de former des techniciens en 3 mois. Quel est votre regard sur ce type de formation ?
Le métier de technicien électroménager nécessite une diversité de connaissances et de compétences. En premier lieu, la relation client représente un aspect très important et très riche de ce métier et elle fait d’ailleurs l’objet d’un module à part entière du parcours de formation.
Ensuite, les aspects techniques sont évidemment indispensables comme la mécanique, l’électrotechnique, les effets thermiques et chimiques, les courants forts, les courants faibles, l’électronique et de plus en plus la connectivité.
Afin que le futur réparateur soit capable de poser un diagnostic et de réussir son intervention au premier passage, il est nécessaire de consacrer un temps de formation adapté ; la formation de technicien électroménager se déroule donc en un an, dans l’ensemble des centres de formation du Réseau Ducretet. C’est la plus longue de l’offre Ducretet avec une durée de 630 heures, soit 18 semaines en centre de formation. Enfin et grâce à l’alternance, l’apprentissage se poursuit dans l’entreprise en conditions réelles où le jeune construit son expérience tutoré par un professionnel expérimenté.
Il s’agit donc d’une formation « riche » par la diversité des technologies abordées, et nous sommes assez sceptiques sur ces formats accélérés car il nous paraît très difficile de balayer tout le spectre des produits électroménagers, lavage, cuisson et froid, en moins d’un an.
De nouvelles familles de produits ont émergé. Comment adaptez-vous vos formations ?
La hausse des flux de réparations concerne également d’autres domaines et nous sommes déjà sollicités pour former à la réparation d’autres familles de produits, comme les nouvelles mobilités, trottinettes, vélos électriques, mais également les équipements d’entretien du jardin ou du bricolage dont l’outillage électroportatif. Ces différentes familles de produits demandent de la polyvalence, voire de la poly-compétences des techniciens.
Pour un bon nombre de ces appareils à réparer, nous identifions des technologies qui existent dans des programmes que nous proposons déjà et les méthodologies de diagnostic et d’intervention sont similaires à des pratiques déjà existantes.
Aujourd’hui, nous répondons à ces nouvelles demandes par un contenu adapté de notre formation de conseiller/services, mais pour répondre plus largement aux attentes sur la maintenance des autres produits, nous proposerons en 2022 une nouvelle certification professionnelle de niveau 4 qui permettra de répondre à ce besoin croissant de réparateurs multiproduits.