Ça n’est pas la première fois que la répression des fraudes se penche sur la question des informations fournies aux consommateurs concernant les garanties (un rapport avait déjà été publié en 2016). Lors de cette nouvelle enquête menée en 2019 et 2020, 550 établissements ont été contrôlés - spécialistes, GSA, fabricants, pure players, cuisinistes… - recevant la visite du fameux « client mystère ». Le but ? Vérifier si les professionnels respectent leurs obligations d’informations sur les garanties (légales et commerciales) avant la vente. Entre informations jugées insuffisantes et pratiques commerciales trompeuses, le service a constaté des « anomalies » dans 36% des établissements. Soit l’information n’est pas délivrée au consommateur, soit elle l’est de manière incomplète, soit elle est peu ou pas visible. La DGCCRF en conclut que les professionnels « connaissent mal ou ne maîtrisent pas leurs obligations » en la matière.
Garanties légales et commerciales : quelles obligations pour les professionnels ?
À l’issue de deux ans d’enquête, la DGCCRF publie un rapport sur l’information des consommateurs en matière de garanties lorsqu’ils achètent des produits électroniques et électroménagers. Les explications livrées aux clients ne seraient pas toujours complètes ni maîtrisées par les vendeurs. Mais quelles différences entre garanties légales et commerciales ? Quelles sont les obligations des professionnels vis-à-vis des consommateurs ? Quid des marketplaces et sites de e-commerce ?
Darty et Boulanger épinglés
Si des sociétés comme SFR ou Orange se sont aussi fait remonter les bretelles, les condamnations de Darty et de Boulanger ont fait du bruit. Boulanger a reçu une amende pénale de 50 000 € pour « pratique commerciale trompeuse portant atteinte aux droits des consommateurs en matière de garanties légales ». Quant à Darty, le distributeur a reçu une amende administrative de 25 000 € pour non-respect d’une injonction (datant de 2018), à savoir « communiquer aux consommateurs préalablement à l’achat les informations sur les garanties légales et commerciales selon les conditions prévues par la loi » et « faire cesser les pratiques commerciales trompeuses portant atteinte aux droits des consommateurs en matière de garanties légales ».
Nous avons contacté les deux enseignes pour recueillir leurs commentaires. Boulanger n’a pas donné suite à notre demande. Quant à Darty, le groupe déclare que « l’information sur les garanties légales est présente sous différentes formes dans nos magasins et sur notre site e-commerce Darty.com. Le sujet porte sur l’appréciation de la manière dont est présente l’information ».
Enfin, la FENACEREM (Fédération du commerce et services de l'électrodomestique et du multimédia) ne commente pas l’actualité, mais nous assure qu’elle « informe et rappelle régulièrement à ses adhérents l’ensemble de leurs obligations légales ».
Nous avons fait le tour des textes de loi et documents officiels pour faire le point sur ce que couvrent les différents types de garanties et les obligations des professionnels en matière d’informations.
Garantie légale et garantie commerciale : quelles différences ?
Bien qu’elles soient parfois confondues ou regroupées sous le terme générique de « garanties », les garanties légales et les garanties commerciales doivent être distinguées.
Les garanties légales sont prévues et encadrées par la loi. Elles sont donc obligatoires et le « vendeur » (fabricant, distributeur…) ne peut s’y soustraire.
La garantie commerciale, elle, est facultative. Le distributeur ou le fabricant peut la proposer, de manière gratuite ou payante. Ses modalités d’application, sa couverture, son prix et sa durée sont librement fixés par le professionnel.
Ces éléments, dont le consommateur doit être informé, sont fixés par un contrat écrit (on parle de garantie contractuelle). La garantie commerciale s’ajoute aux garanties légales. Par exemple, si le consommateur rencontre un problème avec son appareil et que la garantie commerciale ne le couvre pas (ou engendre des frais supplémentaires), il peut invoquer ses droits dans le cadre de la garantie légale de conformité.
Attention toutefois au contenu de la garantie commerciale et à sa présentation. Si garanties légales et garantie commerciale ne sont pas présentées de manière clairement distincte, cette pratique peut être considérée comme trompeuse selon le code de la consommation. Idem si le professionnel présente les garanties prévues par la loi comme faisant partie de son offre spécifique. Par exemple, pour la DGCCRF, proposer une garantie gratuite qui couvrirait exactement le même périmètre que la garantie légale relève d’une pratique commerciale trompeuse. Enfin, les garanties commerciales ne doivent pas être mises en avant au détriment des garanties légales.
La garantie légale de conformité
La loi prévoit deux types de garanties légales, qui peuvent s’exercer cumulativement : la garantie légale de conformité et la garantie des vices cachés.
La garantie légale de conformité est particulièrement scrutée par la DGCCRF dans la mesure où elle a été identifiée comme un « levier pour favoriser le développement de l’économie circulaire ». Elle s’applique à tous les appareils neufs ou d’occasion (dont les produits reconditionnés) vendus par des professionnels. Elle assure au consommateur que l’appareil qu’il achète est conforme aux promesses du professionnel – en l’occurrence, elle couvre un périmètre bien plus large qu’on ne pourrait le penser.
Par conforme, la loi entend que le bien vendu doit correspondre :
- à la description et aux qualités promises par le vendeur ainsi que présentées « en échantillon »,
- à l’usage habituellement attendu
- présenter les caractéristiques prévues au contrat de vente.
Sur ce dernier point, la loi prévoit que le consommateur est en droit d’attendre un bien qui correspond aux promesses de l’étiquetage et des publicités (que les documentations émanent du vendeur ou du fabricant d’ailleurs).
Quels défauts relèvent de la garantie légale de conformité ?
Il peut s’agir d’un défaut de fabrication, de caractéristiques qui divergent des promesses au moment de la vente, mais plus largement aussi de défauts résultant de l’emballage ou d’instructions fournies dans le mode d’emploi, ou encore de défauts d’installation (si elle est réalisée par le vendeur ou sous sa responsabilité). Par exemple, un aspirateur vendu comme bleu qui est livré rouge peut être concerné. Dans le cas d’une cuisine aménagée, si un four ne fonctionne pas suite à une erreur d’installation, cela entre encore dans le cadre de cette garantie. Autre exemple plus surprenant (cité sur le site service-public.fr) : un consommateur qui achète une hotte aspirante vendue comme silencieuse peut invoquer la garantie légale de conformité s’il estime son appareil bruyant.
En revanche, sont exclus les défauts que l’acheteur connaissait ou ne pouvait ignorer au moment de l’achat. Dernier cas qui prive le consommateur de son droit à invoquer la garantie légale de conformité : si le défaut résulte de matériaux qu’il a lui-même fournis, par exemple, s’il a remplacé lui-même la batterie de son aspirateur balai.
Que faire si un consommateur invoque la garantie légale de conformité ?
Un consommateur peut faire jouer la garantie légale de conformité dans les deux ans à compter de la livraison – 6 mois pour un bien d’occasion (délai qui va s’étendre à un an à partir du 20 novembre 2021). En l’occurrence, l’acheteur qui invoque un défaut de conformité n’a pas à prouver qu’il existait au moment de la livraison ; charge au vendeur de prouver le contraire. À titre d’exemple, un professionnel pourrait repousser la demande d’un possesseur de robot pâtissier qui dysfonctionne s’il démontre que l’appareil a chuté du plan de travail.
En cas de défaut de conformité, le professionnel doit proposer la réparation du bien ou son remplacement, sans frais. Si jamais l’une des deux options est clairement moins coûteuse, il est possible de l’imposer au consommateur. Ce dernier peut demander la résiliation de la vente en cas de « défaut majeur » ou conserver l’appareil en négociant une réduction de prix.
La loi précise bien que dans ce cadre, aucun frais ne peut être demandé pour le remplacement ou la réparation - ni pour le transport, ni pour la main d’œuvre, ni pour une éventuelle pièce.
La garantie des vices cachés
Cette garantie, elle aussi encadrée par la loi, concerne tous les biens, neufs ou d’occasion, qu’ils soient vendus par un professionnel ou un particulier. Elle concerne un « défaut non apparent, qui existe à la date d'achat et qui rend le produit impropre à l’usage attendu » et s’applique même si le vendeur n’en avait pas connaissance.
Toutefois, le consommateur ne peut exercer ce droit s’il était informé au moment de la vente. Mais cette fois, gage à l’acheteur de prouver l’existence du vice caché, par exemple en fournissant des devis de professionnels (pour des réparations ou changements de pièces). Il dispose de deux ans à partir de la découverte du défaut (et jusqu’à 5 ans après l’achat). Par exemple, une rayure n’est pas concernée, en revanche, une pièce qui lâcherait et rendrait l’appareil inutilisable pourrait entrer dans ce cadre.
Si le vice est avéré, l’acheteur peut restituer le bien et demander un remboursement, ou conserver l’appareil et solliciter un remboursement partiel.
Garanties légales : quelles obligations d’information pour les professionnels ?
Lorsqu’il s’agit de comprendre quelles sont les obligations concrètes des professionnels en matière d’information des consommateurs, les choses se corsent. On comprend mieux la réaction de Darty car la manière dont l’information sur les garanties légales doit être présentée n’est pas très explicite.
La loi oblige le professionnel à communiquer au consommateur, avant l’achat (on parle d’information précontractuelle), les informations concernant les garanties légales et les modalités de mise en œuvre. L’information doit être livrée « de manière lisible et compréhensible », mais pas seulement orale. Toutefois, même si des indications verbales ne suffisent pas, les vendeurs doivent tout de même être en mesure d’expliquer ces garanties prévues par la loi.
Le site de la DGCCRF indique que ces éléments doivent être « directement accessibles au consommateur au cours de son parcours d’achat ». Par exemple, ces informations doivent aussi être présentes dans les conditions générales de vente (CGV), mais cela ne suffit pas. Idem, le ticket de caisse ou la facture doit mentionner l’existence d’une garantie légale de conformité d’une durée minimale de deux ans dans le cas de l’électroménager – mention obligatoire mais insuffisante pour répondre aux obligations d’information prévues par la loi.
La DGCCRF précise également que les informations sur les garanties légales doivent être séparées de celles qui concernent les garanties commerciales. Mais les présenter seulement en un point du magasin (par exemple dans un classeur) est une fois encore insuffisant.
En l’occurrence, il faut savoir que les marketplaces et sites de e-commerces sont soumis aux mêmes obligations d’information « précontractuelle » que les points de vente physiques. Avec une seule différence : la mention de la garantie légale de conformité n’est pas obligatoire sur la facture des biens achetés à distance.
Quid des informations sur la garantie commerciale ?
Quant à la garantie commerciale, ses modalités, sa durée et son prix sont librement fixés par le professionnel qui doit remettre au consommateur un contrat écrit (qui doit à nouveau rappeler l’existence des garanties légales). Ces informations doivent aussi figurer dans les CGV.
Les vendeurs en première ligne
Fournir au consommateur une information sur ses droits en matière de garanties avant la vente fait partie des missions du vendeur. C’est en effet lui qui est présent physiquement en magasin, face aux clients. Or, dans le cadre de la garantie légale de conformité, sa parole peut être engagée (nous pouvons reprendre comme exemple celui d’une hotte vendue pour être silencieuse). De plus, selon les constats de la DGCCRF, « le discours des vendeurs est souvent uniquement axé sur les garanties commerciales payantes. Lors des contrôles, la majorité d’entre eux s’est avérée incapable de fournir des explications pertinentes sur les modalités d’exercice des garanties légales, les formations dispensées aux vendeurs n’abordant généralement pas ce sujet ».
Interrogés sur leur intention de dispenser des formations spécifiques aux vendeurs, Boulanger et Darty ne se sont pas exprimés sur cette question...