La CNEF sera l’organisation professionnelle unique au service des distributeurs de biens d’équipement du foyer
Figure emblématique de la profession, Pierre Thuillier a cédé en novembre dernier l'activité commerciale de son entreprise grossiste (enseigne Pro & Cie) à une équipe de cadres expérimentés issus du groupe. Toujours Président de la Fenacerem, Vice-président de la CNEF et Administrateur d'Ecosystem, il nous détaille ses missions qui touchent à des sujets très concrets de la vie des entreprises du secteur (salaires, formation, simplification administrative, concurrence, économie circulaire...). Alors que vient de se tenir l'Assemblée Générale FNAEM-FENACEREM-CNEF, il nous explique également pourquoi et comment les organisations professionnelles sont amenées à se regrouper.
Neomag. Vous avez transmis votre entreprise il y a quelques mois et vous continuez à oeuvrer pour la profession. Avant d’entrer dans le détail des sujets de vos nouveaux mandats, pouvez-vous nous expliquer pourquoi et comment s’est déroulée la passation aux nouveaux actionnaires ?
Pierre Thuillier. Il était connu que, depuis trois ans, je cherchais à transmettre et pérenniser l’activité commerciale du groupe fondé par mon père. Pour rappel, le groupe Pro-Finances s’organisait en deux parties avec, d’une part, une activité commerciale concernant le réseau d’adhérents et, d’autre part, des actifs fonciers grâce aux plateformes que nous avons bâties avec mes associés ces 20 dernières années. Le 18 novembre 2021 a été cédée l’activité commerciale. Mes associés et moi-même conservons la partie foncière, qui reste au service de la nouvelle société d’exploitation.
Durant ces 3 ans, Christophe Pilois, Directeur Général m’a accompagné dans les négociations avec les candidats à la reprise. A un moment, il est arrivé à la conclusion qu’il pouvait également me proposer une offre en constituant une nouvelle holding. Dans le même temps, j’en étais moi-même arrivé à la conclusion que Pro&Cie allait devenir une simple filiale, sans plus d’autonomie et d’indépendance, du groupe qui la rachèterait, quel qu’il soit. Pour l’avenir de la société et pour les indépendants que nous sommes, cela n’était pas envisageable. Le projet présenté, s’il n’était pas forcément le mieux disant financièrement, était en revanche bien construit et très positif pour l’ensemble des adhérents et des salariés. J’ai donc choisi cette solution empreinte de sagesse et de sérénité pour l’avenir du réseau.
Comment est aujourd’hui organisée la nouvelle structure et de quelle manière y participez-vous ?
La nouvelle holding, baptisée 3e Acte, est une ETI avec un esprit familial, dans la même lignée que ce nous avions fait, mon père et moi-même. Elle est dirigée par Christophe Pilois qui a une très bonne connaissance de l’entreprise, puisqu’il a été mon Directeur général durant 23 ans et qu’il est notamment à l’origine de la nouvelle organisation informatique. Pour construire la nouvelle organisation, Christophe a su s’entourer des personnes les plus compétentes, en les faisant entrer dans le capital à 10% chacune. A commencer par Sandra Plenert, Directrice financière, Régis Remiatte, nouveau patron des Achats, et 2 Directeurs de région que sont Sébastien Chabanon pour la région Nord et Thierry Grousset, pour la région Sud. Le fils de Christophe est également associé à hauteur de 5%, les 55% restants représentant le capital de Christophe.
Dans cette nouvelle organisation, j’ai conservé un poste d’accompagnement et je suis les besoins du groupe en matière de logistique via Pro-Finances, comme cela vient d’être le cas avec un investissement pour une toute nouvelle plateforme à Romorantin (en remplacement de celle de Villefranche-sur-Cher (41)).
Vous êtes désormais pleinement Président de la Fenacerem et Vice-Président de la CNEF. Quelles sont actuellement vos grandes missions à ces postes ?
En qualité de Président de la Fenacerem, je mène, avec Jean Charles Vogley (Secrétaire Général) et son équipe, 3 activités principales que sont les actions traditionnelles de la fédération au quotidien, les actions annuelles ou pluriannuelles, ainsi que le développement de la CNEF, sur lequel je tiens à mettre l’accent. En effet, la CNEF est le fil d’Ariane des dirigeants de la Fenacerem et de la Fnaem, avec l’objectif d’en faire la fédération unique pour les distributeurs de biens d’équipement de la maison. L’axe majeur de la CNEF est de se concrétiser elle-même et d’arriver à cette fédération unique d’ici 2 à 3 ans, dans la logique de regroupement des branches confirmée par le rapport Ramain.
Edité pour le compte du gouvernement Macron sous l’ancien quinquennat, celui-ci prévoit la réduction du nombre de branches professionnelles, et donc de fédérations, d’environ 700 à 100. Une obligation de rapprochement que nous avions justement anticipée de notre côté, afin de rapprocher les fédérations électrodomestique, meuble et cuisine pour en faire une fédération unique de l’équipement du foyer. C’est ainsi qu’est née la CNEF en 2020, Confédération Nationale de l’Equipement du Foyer, avec sous autorité la Fenacerem et la Fnaem, des fédérations qui devraient disparaître d’ici 2 à 3 ans environ pour laisser place à la CNEF.
Quel est l’enjeu pour les acteurs du commerce et de la distribution de l’équipement du foyer de cette fusion des fédérations ?
Entre 2004 et 2016, nous avions déjà procédé au rapprochement des fédérations OSCREM, UGEM et UPEM au sein de la Fenacerem, ce qui avait facilité le fonctionnement et renforcé les budgets. Aujourd’hui, nous faisons la même chose au niveau de l’équipement du foyer. Avec la réélection du Président Macron, il est clair que le rapport Ramain va se renforcer et c’est une bonne chose. Nous avons pris une longueur d’avance et nous sommes cités en exemple. Nous savons, par ailleurs, qu’il n’y aura pas plus de 8 à 10 branches consacrées au commerce, et grâce à nos quelque 130 000 salariés et 7 000 points de vente, le rapport propose de nous reconnaître comme l’une de ces 8 à 10 branches du commerce. En dehors de l’obligation légale de rapprochement des conventions collectives, nous sommes tout à fait favorables à ce rapprochement qui va nous permettre d’être écoutés, d’exercer nos lobbyings, d’obtenir des rendez-vous plus facilement auprès des autorités, etc.
Le fait de réunir les fédérations Electroménager et Ameublement va avoir une incidence sur les conventions collectives existantes, mais également sur d’autres aspects comme par exemple la formation professionnelle. Pensez-vous pouvoir trouver un terrain d’entente pour satisfaire ces deux branches ?
L’enjeu principal de cette future fusion est d’arriver à une seule convention collective et c’est certainement le plus gros chantier que nous avons à mener aujourd’hui. Les syndicats de salariés veulent les avantages des 2 branches, quand les syndicats patronaux souhaitent limiter l’inflation sur ces conventions collectives. Ce ne sera pas facile, mais nous y arriverons. Pour cela, nous avons prévu des volets sectoriels pour chacune des 2 branches, avec un tronc commun qui sera la convention collective unique.
Quelles sont les autres missions que vous gérez au sein de la Fenacerem ?
Nous avons des missions permanentes telles que les négociations salariales annuelles, et parfois bisannuelles, mais également des actions de lobbying dans le domaine des textes courants qu’il s’agisse d’aider les entreprises à maîtriser leurs charges, de négociations des droits de Sacem, etc. Nous avons par ailleurs une mission d’information et de prévention quant à la législation, comme la loi AGEC avec ses notions de réparabilité et de durabilité. En dehors de ces actions quotidiennes, nous avons aussi deux autres missions importantes que sont les actions menées auprès du gouvernement et la formation professionnelle.
Concernant la formation professionnelle, la filière électroménager est actuellement en manque de techniciens réparateurs et peine à recruter, alors que les demandes sont très fortes. Menez-vous des actions pour favoriser le recrutement et si oui, lesquelles ?
Nous sommes membres du Conseil d’administration de l’OPCO et le syndicat dispose d’une équipe de 2 personnes dédiées à la formation, dont le rôle est d’informer les entreprises et de les accompagner dans le processus de recrutement. Il peut s’agir d’informations sur les aides auxquelles elles ont droit, ou encore la création de nouvelles formations qualifiantes ou certifiantes (CQP) qui seront mises en œuvre par les organismes de formation agréés. Le financement de ces formations fait actuellement l’objet de réflexions et d’études, pour prendre en compte à la fois la diminution des fonds publics disponibles et le nouveau rôle des URSSAF en matière de collecte.
Pour en revenir aux actions de la fédération auprès du Gouvernement, quelles sont les grandes missions à venir ?
Nous avons trois sujets pour les deux années à venir, à commencer par la simplification des réglementations administratives dans tous les domaines (protocoles, textes administratifs, suppression totale de la redevance TV, etc.). Le deuxième axe vise à soutenir la transformation digitale du commerce, notamment pour les petites entreprises, avec des formations spécifiques et des fonds dédiés. Enfin, le troisième sujet, qui me tient particulièrement à cœur, est d’en finir avec les distorsions de concurrence entre commerce physique et commerce en ligne. Cela fait 12 ans que nous nous battons contre des aberrations et même si les choses ont très légèrement évolué, il reste aujourd’hui 3 points sensibles à régler :
- la non application de la TVA de certains pure-players étrangers dans le cadre de marketplaces ;
- la non-application de l’éco-participation pour la même catégorie de sites ;
- l’augmentation du « 1 pour 1 » en matière de collecte, sur les 20% de marché en ligne où il ne se passe rien et pour lesquels la distribution physique subit les coûts. Ces sujets sont régulièrement évoqués auprès des autorités par le syndicat, mais également par Ecosystem, et commencent à être entendus avec des mises en application prévues dans le cadre de la loi AGEC.
Vous avez évoqué la collecte, un sujet d’actualité avec la mise en place de la labellisation QualiRépar. Au titre de votre mandat d’administrateur au sein d’EcoSystem, quel message souhaitez-vous faire passer au commerce de proximité, pour lequel vous avez œuvré plusieurs années durant ?
La mise en place du fonds réparation est une véritable aubaine pour les indépendants même si, selon moi, il faudrait que le montant de la subvention atteigne les 30% de la facture. Néanmoins, la labellisation QualiRépar, qui est ouverte depuis le mois d’avril, va dans le bon sens, celui d’un soutien des envies de réparation des consommateurs, via un réseau de professionnels, sérieux et qualifiés.
Si vous êtes un spécialiste de proximité et que vous avez ce label QualiRépar, certains consommateurs viendront non seulement faire réparer leurs produits chez vous, mais en plus, ils achèteront chez vous. La labellisation QualiRépar constitue une garantie morale sur la durée de vie des produits, qui s’inscrit dans cette volonté de réparabilité et de durabilité. Il faut donc aller dans ce sens, d’autant que les indépendants ne sont pas des entreprises de commerce au départ, mais des entreprises de services et de réparation. D’ailleurs, Ecosystem compte avant tout sur les indépendants. En effte, l’éco-organisme ne sortira son annuaire qu’à partir du moment où 1 500 réparateurs seront labellisés. A l’horizon 2027, il vise 10 000 centres de réparation, soit une capillarité énorme. Et cette capillarité, ce sont les indépendants qui l’ont. Il s’agit donc d’un véritable enjeu de redynamisation du commerce de proximité.