En oeuvrant à une collaboration équilibrée, il y aura beaucoup de synergies à développer
Station technique réputée dans le monde du SAV électroménager, l’entreprise AVM Dépannage vient d’être rachetée par SFG Services, la filiale spécialisée dans la réparation de SFG créée en 2021. Par la même occasion, Gaëlle Buchoux, dirigeante de cette entreprise implantée dans le Grand Ouest, prend la Direction du Développement de la nouvelle structure nationale. Elle nous détaille les raisons qui ont engendré ce rapprochement, ainsi que le projet qui est rejoint.
Neomag. Avant d’évoquer votre vision du marché de la réparation, ses évolutions et le projet mis en oeuvre, pouvez-vous nous présenter rapidement l’entreprise ?
Gaëlle Buchoux. AVM Dépannage est une station technique agréé par les fabricants, partenaire de distributeurs et implantée dans le Grand Ouest du pays. Notre mission : réparer le plus rapidement possible avec des coûts maîtrisés. Aussi bien du côté des donneurs d’ordres, que du nôtre. L’entreprise a été créée en 1984, à l’origine sous la forme d’une SCOP, un statut assez unique dans le paysage de la réparation, chaque salarié étant actionnaire de l’entreprise. Je l’ai rejointe en 1999 au niveau du service client. Après avoir gravi plusieurs échelons, j’ai pris la présidence en 2008, en étant élue par les associés pour un mandat de quatre ans. Celui-ci a été reconduit à plusieurs reprises au terme des assemblées générales successives.
En tant que dirigeante d’une station technique de taille conséquente, comment avez-vous vu évoluer le secteur de la réparation au fil de ces années ?
Pendant très longtemps, les stations techniques ou réparateurs agréés traitaient en direct avec le client, que son appareil soit sous ou hors garantie. Pas d’intermédiaire, peu d’administratif, il existait alors une sorte de main mise sur les clients des fabricants ou des distributeurs.
Une première transformation dans le SAV a eu lieu lorsque les fabricants ont mis en place leurs propres call-centers.
Cette transformation a permis aux fabricants ou distributeurs de maitriser le parcours client, de filtrer les pannes, les exclusions de garantie et de fidéliser encore mieux les consommateurs à leur propre marque. Pour les stations techniques, cela a changé pas mal de choses : modification des contrats avec les donneurs d’ordre, naissance du mandatement, baisse des volumes d’intervention dites « faciles » et plus rémunatrices.
Ensuite, l’arrivée d’Internet a également bousculé notre métier. Nous entamions l’ère de l’information à tout prix et en temps réel, exigée par les consommateurs et nos donneurs d’ordre. Il a fallu se structurer sur le plan humain et informatique pour pouvoir répondre à ces besoins.
Pour autant, les forfaits d’intervention n’ont pas évolué en même temps que ces nouveaux besoins. La rentabilité a commencé à devenir compliquée. Des groupements se sont organisés tels que STAR, donc j’ai été la vice-présidente, afin de réfléchir au service de demain, conjointement avec les fabricants et de donner une visibilité à ce métier. De ces organisations sont ressorties des choses positives. D’abord, le fait de tous se connaître. Et de voir que les problématique de rentabilité, de recrutement de techniciens, et aussi de compréhension entre donneurs d’ordre et stations étaient les mêmes partout sur le territoire.
Mais j’ai aussi senti les limites d’une situation qui se compliquait, car nous n’avions pas plus de vision du marché à moyen ou long terme, pas d’engagement réel, pas de révolution dans l’approche de notre métier.
Après cette période je me suis recentrée sur l’entreprise. Mon rôle était d’avoir la vision de l’évolution du marché afin de préparer la structure, la projeter dans le futur et prendre les bons virages au moment où il faudrait les prendre. Il y a des virages que nous avons ratés et nous le payons aujourd’hui. Notamment celui de la transmission de notre savoir-faire, celui de la formation de nos futurs techniciens. Lorsqu’une station perd des techniciens et n’arrive pas à recruter, elle perd des secteurs, du chiffre d’affaires et des partenaires.
Dans le même temps, avec l’arrivée de prestataires nationaux dans notre paysage (CSAV, Solvarea) j’ai réfléchi avec d’autres, à organiser la profession afin de mutualiser nos moyens et surtout aller chercher plus loin dans le service et plus de rentabilité, au travers du projet Neosav. Toutes les stations se rendaient compte que le métier devenait compliqué. Mais de là à se projeter ensemble cela n’était pas facile. Et puis, dans un marché organisé avec un rapport unilatéral (d‘un côté des donneurs d’ordres, de l’autre des faiseurs), il y a eu un certain nombre de freins. Comme il n’était pas question de nuire individuellement à chaque structure, ce projet n’a pas abouti…
Comment analysez-vous la situation actuelle de cette profession de la réparation ?
Nous sommes entrés dans une nouvelle période, où la réparabilité a pris tout son sens avec toutes les répercussions que cela engendre. Déjà à partir de 2017, les tensions sur le recrutement ont commencé à se faire sentir. Mais nous avons fermé les yeux en se disant que cela allait passer. Aujourd’hui les techniciens qualifiés sont devenus une population rare. Dans le même temps, nous avons vécu l’arrivée de start-ups aux moyens très importants. Reconnaissons qu’elles ont eu l’intelligence de mettre en lumière ce que nous faisions depuis des décennies dans le silence. Mieux que nous, elles ont su le dire, le communiquer, le promouvoir et casser les codes. Pour autant, attention à ne pas tomber dans une « uberisation ». Aujourd’hui, face à la pénurie de main-d’œuvre, on cherche à former très vite. Mais ce n’est pas respecter nos techniciens qualifiés que de dire que l’on peut former du personnel en trois ou six mois. Ce métier, c’est à la fois de l’expertise et de l’expérience. Il faut aussi réfléchir à trouver la meilleure organisation pour attirer la nouvelle génération, là est la vraie question.
Pourquoi et comment AVM Dépannage a décidé de rejoindre SFG Services ?
J’ai vu depuis quelques années le paysage des acteurs du SAV se concentrer : regroupement, rachat et l’arrivée de nouveaux acteurs dans la réparation des appareils électroménagers.
C’est assez drôle d’ailleurs, car notre métier n’a jamais été autant mis en lumière et n’a jamais été autant porteur d’investissement. J’ai également vu l’évolution de notre client SFG prenant des parts de marché de plus en plus importantes et devenant incontournable sur ce marché de la réparation sous garantie. Fort de ce constat, nous avons envisagé de nous adosser à un acteur important en pérennisant nos équipes. Un projet a été établi, présenté et débattu avec les associés salariés. Il a donné lieu à un vote à l’unanimité lors de l’assemblée générale du 5 mars dernier.
Ce qui nous a séduit dans le projet SFG Services, c’est la volonté de SFG de racheter des entreprises avant tout pour leur capital humain. Pour le savoir-faire et l’expérience des hommes et des femmes qui les composent. Avec Frédéric Brizard, nous nous connaissons depuis un bon nombre d’années. Nous n’avons pas toujours été d’accord, mais nous nous le sommes dit. Et nous avons su conserver le fil du dialogue. Aujourd’hui, une liberté d’action et d’organisation est confiée à SFG Services. Charge à nous de tout mettre en oeuvre afin que les résultats et la qualité soient au rendez-vous.
Dans le cadre du rachat, vous prenez de nouvelles fonctions en tant que Directrice du Développement de SFG Services. Quelles sont vos missions ?
Je vais tout d’abord travailler en étroite collaboration avec Nicolas Genestier, qui a pris les fonctions de Directeur des opérations de SFG Services au niveau national. Il a en charge tout l’opérationnel, la gestion des techniciens de l’encadrement, de la pièce détachée.Venant moi-même de l’opérationnel, nous allons travailler ensemble de manière très complémentaire. Nous allons homogénéiser les process qui sont actuellement multiples. Analyser ce qu’il faut garder en local et ce qu’il faut partager au niveau national. Etudier et optimiser chaque paramètre d’une intervention SAV, développer et construire le service qu’attendent nos distributeurs et surtout le consommateur final. Enfin, être créatif et anticiper les besoins de demain dans le Service. SFG Services est le bras armé de SFG et un levier stratégique important.
Un autre volet de mon rôle va consister à participer aux négociations et au développement de SFG Services, tant sur le plan de la représentation dans les différentes instances, qu’avec les différents acteurs de notre métier. Lorsque vous êtes une station technique indépendante, vous ne négociez rien. Il y a juste un contrat que vous signez et les choses ne peuvent pas évoluer.
Le domaine du service a toujours été représenté par les mêmes grands groupes. SFG Services a toute sa légitimité pour pouvoir être présent dans les instances et les débats. Depuis 25 ans le métier est cloisonné sur un certain nombre de choses. Il va falloir que l’ensemble des acteurs du service repensent leur modèle et leur fonctionnement. C’est un vrai challenge. Le SAV doit se repenser. Il faut être inventif. En oeuvrant à une collaboration équilibrée, il y aura beaucoup de synergies à développer.
Comment comptez vous développer l’activité et la couverture nationale ?
D’abord, soyons clairs, SFG Services n’est pas là pour mettre des techniciens partout à tout prix. N’oublions pas qu’avoir des techniciens en propre est un investissement important et il doit être ciblé et maitrisé. SFG a des partenariats forts avec des stations techniques historiques. Tout ce que nous allons pouvoir développer au sein de SFG Services en termes d’académie, de mutualisation de connaissances techniques, de prediag, nous allons être capable de l’offrir à nos partenaires. Cela va bien au-delà du simple mandatement.
L’idée, c’est de créer un réseau de techniciens pour s’assurer de la transmission du savoir-faire et de le préparer aux évolutions tant sociétales que technologiques. Demain faudra-t-il réparer uniquement du gros électroménager ? Je ne le pense pas. Il va falloir diversifier. La rentabilité d’un SAV ne se joue pas juste niveau de l’intervention. Il faudra aussi générer du business additionnel, du service additionnel.
Quels seront vos dossiers prioritaires au cours des prochains mois ?
Aujourd’hui, la dimension écologique prend une importance croissante. Nous aimons tous notre planète et nous savons qu’il faut la préserver pour nos enfants. Nous savons aussi, que la question du prix de la réparation est capitale. Si une réparation excède un tiers du prix du produit neuf, on ne fait pas réparer. Nous avons tous un portefeuille, il y a une réalité économique à prendre en compte. Il y a un moment où l’on peut réparer et un autre où l’on ne peut pas. C’est en corrélation avec les prix du marché : prix du produit fini, les prix des pièces détachées. Il faut travailler sur ces sujets.
Nous devons aussi gérer l’évolution des différentes générations de techniciens. Ceux qui sont nés avec un smartphone dans la main et ceux qui pensent qu’ils sont un peu dépassés par les nouvelles technologies. SFG Services doit penser la digitalisation du parcours client. On ne peut pas aller contre les courants profonds, il faut s’adapter. Et c’est tout le sens du projet que nous avons choisi de rejoindre et de porter avec fierté.