par Alexandra Bellamy
Lors de nos récentes rencontres et interviews, nous avons eu l’occasion d’échanger avec plusieurs membres du Club de la Durabilité. Celui-ci regroupe une vingtaine de membres, parmi lesquels de grandes entreprises très connues du grand public (comme le groupe Fnac-Darty, Le Bon Coin, Michelin ou Leroy Merlin) et des PME, souvent menées par de jeunes entrepreneurs inspirés, convaincus que l’économie doit et peut changer. Loin de se réduire à une association d’écolo-militants, le Club de la Durabilité regroupe des acteurs de dimensions et d’origines diverses, reflétant une profonde mutation de la manière de consommer. 77% des citoyens européens préféreraient réparer leurs appareils que les changer se plaît à rappeler le Club.
Qui sont-ils et que veulent-ils ?
Ils œuvrent tantôt dans la vente de pièces détachées voire d’outils pour l’autoréparation (comme SOS Accessoire, Spareka, Murfy ou iFixit) ou dans la vente de produits d’occasion (Le Bon Coin ou BackMarket). Le Club de la Durabilité compte également des fabricants d’appareils pensés pour être réparables (à l’instar de Kippit ou Craft’n Sound) ou encore des distributeurs qui s’engagent chacun à leur échelle en faveur de produits durables (Ma Garantie 5 ans ou Fnac Darty).
Un certain nombre de ces entreprises gravitent dans le secteur de l’électroménager, mais les membres comptent également des acteurs de l’informatique, de la Hi-fi, du bricolage, du meuble ou de l’automobile. Tous s’engagent pour généraliser « l’économie des produits durables » et « allonger la durée de vie des produits ». Ils promeuvent la production ainsi que la vente de produits durables et réparables, la réparation, la réutilisation, la location… En bref, une nouvelle forme d’économie meilleure pour la planète et pour le portefeuille des consommateurs. Cet extrait de la tribune publiée dans Le Monde résume bien leur philosophie : « Nous, associations et entreprises conscientes de l’urgence écologique et des attentes des citoyens, demandons à ce que le cap de la loi anti-gaspillage soit au minimum maintenu pour passer enfin au monde d’après, un monde dans lequel les produits sont conçus pour durer, être donnés, loués, reconditionnés ou réparés, en cohérence avec l’existence d’une seule planète terre sur laquelle prospérer ».
Quelle est l’origine ?
Le Club de la Durabilité est né en novembre 2018 sous l’impulsion de l’association HOP (Halte à l’Obsolescence programmée), à laquelle les membres paient d’ailleurs une cotisation annuelle « dont le montant est proportionnel au chiffre d’affaires et à la taille de l’entreprise » selon la charte du club. Il bénéficie également du soutien de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). Il est ouvert à toutes les entreprises dont les produits et services sont « en cohérence avec l’allongement de la durée de vie des produits » ou celles qui sont « en transition ». Enfin, il est également prêt à accueillir des experts qui souhaiteraient contribuer aux débats. Les membres se réunissent régulièrement pour échanger leurs points de vue, partager leurs expériences et leurs expertises.
Ce groupe organise également des rencontres et événements, prend la parole dans les médias, donne naissance à des publications et rapports, suit les évolutions légales et institutionnelles… en y participant parfois. HOP et certains membres du club (à l’instar de Spareka ou Ma Garantie 5 ans) participent d’ailleurs aux groupes de travail chargés de développer l’indice de réparabilité qui doit voir le jour début 2021, dans le cadre de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire.
Les membres du Club se réunissent autour de convictions communes, nouant pour certains des partenariats – par exemple entre le distributeur Ma Garantie 5 ans et le spécialiste de la vente de pièces détachées Spareka. Ce Club leur permet également de se faire entendre plus facilement en parlant d’une seule voix, tout en profitant d’ailleurs du poids de HOP, notamment sur le plan médiatique.
HOP, un animateur au discours militant et aux actions parfois radicales…
Le Club de la Durabilité est donc propulsé par l’association HOP. Comme son nom l’indique, cette dernière milite contre toute forme d’obsolescence des produits, prenant souvent la parole dans les médias pour s’élever contre cette fameuse obsolescence programmée. HOP, qui participe aussi à des travaux sur la transition écologique, n’hésite pas non plus à demander des comptes à certains fabricants ou distributeurs. A Sonos, par exemple, qui ne permettait plus de mettre à jour certains de ses produits. Parfois, cela va même jusqu’au dépôt de plaintes en justice. Par exemple, contre Amazon pour pratiques commerciales trompeuses ou contre Apple dont les mises à jour ralentissaient certains smartphones d’ancienne génération. Ses actions coup de poing véhiculent souvent un symbole fort et sont généralement assez médiatisées.
Si sur le fond, les combats de HOP semblent justifiés, sur la forme, le discours est parfois radical voire manichéen - notamment en ce qui concerne l’obsolescence programmée dans l’électroménager (un discours qui déteint parfois sur certains membres du club)... En mettant presque systématiquement l’accent sur l’obsolescence programmée, HOP relègue dans l’ombre certains fabricants qui mettent justement les bouchées doubles pour améliorer la fiabilité, la durabilité et la réparabilité ; quitte à entretenir la méfiance de certains consommateurs.
Par ailleurs, rejeter la faute d’une supposée « obsolescence programmée » des appareils électroménagers entièrement sur les fabricants dédouane les consommateurs qui ont pourtant leur part de responsabilité à travers leur volonté d’obtenir des prix toujours plus bas. Or, cela a forcément une incidence sur les produits.
Une réflexion que Benoît Delporte, fondateur de Ma Garantie 5 ans partageait d’ailleurs avec nous lors d’un récent entretien : « en voulant faire la course aux produits promotionnés, certains fabricants ont rogné sur le cahier des charges et sur la qualité. Ces produits plus accessibles contiennent souvent plus de pièces en plastique d’où une obsolescence accélérée plutôt qu’une obsolescence programmée. La durée de vie s’est réduite parce que les prix se sont réduits et que la conception est différente ».
En route vers le changement ?
Si les prises de positions de HOP sont parfois polémiques ou radicales, c’est peut-être nécessaire pour faire bouger les lignes... En l’occurrence, les choses semblent aller dans le bon sens. Bien avant la pandémie, des changements de mentalité s’étaient déjà fait sentir de la part des consommateurs.
Selon l’enquête ELABE réalisée début mars 2020 (avant le confinement), 85% des Français se disent préoccupés par la possibilité de réparer les équipements électriques et électroniques. Ils sont également 83% à se déclarer préoccupés par la durée de vie de ces appareils. Enfin, 94% estiment que donner, revendre ou faire réparer plutôt que jeter est utile pour agir sur l’environnement.
Des idées aux actes…
Le confinement n’a fait qu’accélérer certaines prises de conscience. Lors de récents entretiens accordés à Neomag, Geoffroy Malaterre (fondateur et CEO de Spareka) ou Olivier de Montlivault (fondateur de SOS Accessoire) confirmaient avoir observé un véritable boom de l’autoréparation, comme un déclic.
Quant à la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, elle est saluée par de nombreux acteurs, qui en attendent beaucoup - qu’il s’agissent des membres du Club de la durabilité, du Gifam ou récemment de l’éco-organisme Ecosystem. Cette loi va enfin donner les moyens concrets aux consommateurs de choisir des appareils réparables, plus durables, de les réparer facilement et réellement favoriser une durée de vie allongée des produits du quotidien.
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